"Les milieux macroniens sont persuadés d’être la cible privilégiée des pays non libéraux"

Emmanuel Macron cherche-t-il à davantage contrôler la presse? Le spécialiste de la communication François-Bernard Huyghe observe au micro de Rachel Marsden une tendance qui se généralise dans les pays démocratiques.
Sputnik
Lors de ses vœux annuels à la presse du 11 janvier, Emmanuel Macron s’est attaqué à certains médias. "Nous laissons des acteurs de propagande financés par des régimes autoritaires étrangers –qui ne répondent en rien à un régime de responsabilité ou d’éthique journalistique– informer et participer au débat en tant que journalistes", a-t-il dénoncé.
François-Bernard Huyghe, responsable de l’Observatoire géostratégique de l’information et directeur de recherche à l’IRIS, réagit aux propos du Président français:

"Lorsque Emmanuel Macron a été élu en 2017, on a vu apparaître sur Internet des documents de son parti La République en marche, on a appelé ça le ‘MacronLeak’ qui ne contenaient rien de scandaleux. Ça a beaucoup marqué la Macronie. Les milieux macroniens sont persuadés qu’en tant qu’avant-garde de la société libérale occidentale, ils sont les cibles privilégiées des pays non libéraux qui essaient de truquer l’élection présidentielle de 2022. Et peut-être que derrière, il y a aussi un phénomène qui relèverait plus de l’idéologie ou la psychologie, qui essaierait de faire croire que toutes les critiques contre les solutions qu’ils apportent ne peuvent que résulter d’une mauvaise information du peuple ou d’opérations occultes pour tromper. C’est ce qui s’est passé avec les Gilets jaunes où on disait que ces gens étaient égarés par la propagande sur les réseaux sociaux."

Cette remarque du Président de la République témoigne surtout de son désir d’infantiliser les Français, qui sont bien capables de faire la part des choses. Ils reconnaissent un gouvernement autoritaire, qui dénonce et censure tout ce qui dévie du récit officiel, même s’il se colle l’étiquette de "démocratie". Ils savent aussi que l’éthique journalistique ne consiste pas à se limiter à relater des faits, débats et arguments en accord avec le discours dominant.
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Alors pourquoi un tel acharnement d’Emmanuel Macron?
"Confronté à des phénomènes comme les Gilets jaunes, qui étaient en rupture avec ce qui se disait sur les chaînes d’information en continu et les médias mainstream, le macronisme a lancé toute une série d’initiatives pour empêcher ce qu’ils appelaient la désinformation, les fake news. Il y a notamment eu la loi de 2018 permettant de demander plus rapidement à un juge de retirer des contenus faux en période électorale. Contrôler par la loi, cela consiste aussi à s’adresser aux Gafam pour leur demander de retirer un élément suspect", constate le chercheur.
Si l’on veut dénoncer le travail de certains médias sur la seule base de leur financement, pourrait-on commencer par ceux qui sont censés de servir de chiens de garde au pouvoir français alors qu’ils sont financés par l’État? Les démocraties occidentales sont aujourd’hui entrées dans une logique de propagande officielle sous prétexte de lutte contre les fake news. Une démarche qu’ont également adoptée certaines entreprises.
Pour François-Bernard Huyghe, la situation française adhère à une tendance occidentale plus large:
"Il y a un mouvement général dans les pays occidentaux, disons libéraux, depuis 2016 et l’élection de Trump, le Brexit, le referendum en Catalogne, où on a vu les élites dirigeantes, les médias, s’inquiéter d’interférences et de désinformation venus à travers Internet depuis l’étranger. Emmanuel Macron a lui-même exclu de ses conférences de presse des médias de l’étranger. On a beaucoup accusé la Russie, la mode est maintenant à la Chine."
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