Crise économique et "reconfiguration guerrière" du monde, quelle chance pour les pays africains?

Dans le contexte de la crise économique mondiale, les pays africains ne pourront défendre leurs intérêts que s’ils créent "des ensembles forts au Maghreb, au Sahel et dans le continent en général, car leur réponse sera collective ou elle ne le sera pas!", affirme à Sputnik l’économiste algérien Abdelatif Rebah.
Sputnik
Sur fond de la crise financière et monétaire internationale de 2007-2008, l’économie algérienne a subi de plein fouet la chute du prix du pétrole en 2014, seule source de revenus en devises du pays, dont l’économie dépend à 98% des exportations d’hydrocarbures. Cette situation déjà difficile s’est aggravée dans le contexte de la crise sanitaire de Covid-19, qui a plombé l’économie mondiale.
Où en est la situation économique et financière mondiale? De quelle façon agit-elle sur la nouvelle reconfiguration des rapports de force et des équilibres mondiaux, notamment dans le contexte de l’émergence de la Chine et du retour de la Russie sur la scène internationale?
Par ailleurs, où se situe l’Algérie dans cette nouvelle reconfiguration? A-t-elle une économie résiliente? Que pourraient faire les pays du Maghreb pour sortir collectivement du marasme économique? Une intégration régionale incluant le Sahel, voir continentale, serait-elle la meilleure réponse dans ce contexte mondial changeant?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité l’économiste algérien Abdelatif Rebah, auteur de plusieurs livres sur l’économie algérienne, dont "Algérie-Post Hirak" et "La Sonatrach, une entreprise pas comme les autres". Pour lui, "malgré les dizaines de milliers de milliards de dollars qui ont été déversés dans le système financier mondial pour le remettre en marche, le grippage a continué" et s’est de plus en plus manifesté dans l’économie réelle.

Une crise "structurelle et systémique"

Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la fragilité de l’économie mondiale s’est révélée dans toute son ampleur, explique M.Rebah, rappelant que "beaucoup de pays, même développés, se sont retrouvés en pénuries de masques médicaux, de gel hydro-alcoolique et autres fournitures de base".
Et d’affirmer que la crise du système capitaliste mondial "est loin d’être conjoncturelle où accidentelle. Elle est structurelle, systémique, durable et profonde".
Dans le même sens, il ajoute que "les tentatives menées de l’intérieur du système pour résoudre cette crise sont inefficaces et n’ont rien donné". Ainsi, les solutions qui sont actuellement déployées par le cœur financier du capitalisme, continue-t-il, "se manifestent par une recomposition chaotique et guerrière marquée par la recherche de nouveaux marchés, de nouvelles voies d’approvisionnement, de nouveaux gisement de matières premières et d’une nouvelle main-d’œuvre plus qualifiée, formée aux nouvelles technologies. Cette reconfiguration guerrière est essentiellement caractérisée par les axes États-Unis-Chine et États-Unis-Russie".

Quid des pays du Maghreb-Sahel et de l’Afrique?

Pour l’interlocuteur de Sputnik, l’Afrique, dont les pays du Maghreb et du Sahel, est au cœur des luttes d’influence entre les grandes puissances du monde en raison des gisements d’hydrocarbures et de matières premières dont elle regorge.
En effet, souligne-t-il, "les pays africains subissent les décisions et les pressions du capitalisme mondial, sans avoir les moyens d’influer sur ce dernier". À ce titre, il estime qu’un pays comme l’Algérie "se situe à la périphérie, voir la sous-périphérie, du capitalisme mondial, pratiquement dans tous les vecteurs dynamiques de l’économie".
Et de conclure: "Malgré toutes les faiblesses dont souffrent les pays africains, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent toujours trouver des espaces où ils pourraient défendre les intérêts de leurs peuples en tirant profit des contradictions régissant les relations entre les grandes puissances. Cependant, s’ils veulent peser sur l’échiquier mondial, ils doivent penser à créer des ensembles forts au Maghreb, au Sahel et dans le continent en général, car leur réponse sera collective ou elle ne le sera pas!"
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