Scandale de la Dépakine: le tribunal de Paris reconnaît la faute de Sanofi

Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu recevable l’action de groupe menée par l’association de victimes de l’anticonvulsif Dépakine contre Sanofi. Une étape clé pour les familles qui accusent le laboratoire de "manquement à son devoir de vigilance".
Sputnik
Un obstacle de taille a été franchi dans le long combat judiciaire que mène l’association de victimes de la Dépakine. Le traitement anticonvulsif commercialisé par Sanofi a provoqué des malformations chez des fœtus lors de prise par la mère pendant la grossesse et ce 5 janvier, le laboratoire a été reconnu coupable d’avoir "commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information" sur les risques des "médicaments Dépakine, Micropakine, Dépakote, Dépakine Chrono et Dépamide".
"C’est une victoire importante pour toutes les victimes de la Dépakine", reconnaît au micro de Sputnik Marine Martin, présidente de l’association d’Aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac)
"Cette décision [du tribunal judiciaire de Paris, ndlr] reconnaît la défectuosité de la Dépakine. Elle dit clairement que c’est un médicament qui a trompé le consommateur. On n’a pas évalué le danger chez la femme enceinte", souligne Marine Martin.
La Dépakine a pour principe actif le valproate de sodium. Mis sur le marché en 1967 par le laboratoire Labaz, le médicament est produit et commercialisé depuis 1974 par Sanofi, devenu par la suite SA Sanofi-Aventis France.

Des décennies de combat

Même s’il existe un "consensus scientifique sur le fait que ces traitements sont parmi les meilleurs au monde pour soigner les patients atteints d’épilepsie", la toxicité de cette catégorie de médicaments est connue depuis sa mise sur le marché, au milieu des années 1960. Lors du procès, Sanofi a mis en avant l’efficacité de la Dépakine contre l’épilepsie, insistant également sur les modifications sur la notice en 2006, date à partir de laquelle on y trouve la mention explicite "Ne doit pas être utilisé chez la femme enceinte".
Mais des "malformations chez les enfants exposés in utero" avait déjà été observées en 1967 et 1969, lors d’études précliniques sur des animaux. Plus de 800 études scientifiques ont été publiées depuis 50 ans sur le sujet, "principalement dans les pays anglo-saxons, mais il n’y a eu que 33 études seulement réalisées en France". Pourtant, comme le mentionne le texte du jugement rendu, "les différents travaux de la SA Sanofi-Aventis France sur ces médicaments n’ont pour leur part jamais été publiés".
La demande d’action de l’Apesac avait été déposée contre Sanofi le 22 septembre dernier.
"La décision judiciaire condamne très clairement Sanofi. Elle le condamne même à verser à l’association Apesac 2.000 euros immédiatement, bien que Sanofi ait tout de suite communiqué vouloir faire appel", détaille la présidente de l’Apesac.
On estime qu’en France, entre 2.150 et 4.100 enfants sont atteints d’au moins une malformation congénitale majeure physique et mentale à cause de la Dépakine.

L’action de groupe, une première judiciaire

L’action de groupe a permis d’offrir aux plaignants un procédé juridique moins onéreux, leur épargnant des frais de justice. Ce qui devrait inciter d’autres victimes à se joindre à elle. L’association plaignante revendique être une réelle communauté soudée par un malheur commun.
"J’espère que les familles vont me contacter pour que je puisse leur expliquer quels sont les critères de rattachement définis par le juge et quels éléments sont nécessaires pour se joindre à l’action de groupe", souligne Mme Martin.
Pour l’instant, il est difficile de savoir combien de personnes vont rejoindre l’action. Puisqu’"il va falloir relire attentivement" la décision de justice pour comprendre les critères. "Potentiellement, 1.200 victimes pourraient se joindre à cette action de groupe", prédit Martine Martin.
Il reste néanmoins quelques incertitudes judiciaires à surmonter. Tous les rapports comportementaux mentionnent 2001 comme date "à partir de laquelle tout le monde connaissait" les méfaits de la Dépakine sur le fœtus. La mention de cette date écarte une partie des victimes, tout comme la détermination par ce même jugement du créneau "jusqu’à 2006", quand Sanofi a modifié la notice.
En tout cas, le changement de la législation en 2007 pour "rendre l’action du groupe possible en matière de santé" et cette dernière décision du tribunal judiciaire dans l’affaire de la Dépakine pourraient permettre des avancées dans d’autres scandales sanitaires, à l’instar du Mediator ou du Levothyrox.
"[Cette décision du tribunal judiciaire de Paris, ndlr] risque de donner envie à d’autres associations de victimes de médicaments de porter plainte en action de groupe", assure Marine Martin.
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