Le rôle de la Russie en tant que fournisseur de gaz à l'Europe continuera de croître en raison de la baisse de la production locale dans l'Union européenne, a estimé Klaus-Dieter Maubach, directeur du groupe énergétique allemand Uniper. D’après lui, il y a un lien entre les pénuries de gaz, la hausse des prix du gaz en Europe et la reprise de l'économie mondiale après les crises à cause de la pandémie, ce qu’il a raconté dans une interview accordée au Rheinische Post.
"La raison en est le boom financier mondial après les blocages liés au coronavirus dans le passé. Une grande partie du GNL américain va en Chine, pas en Europe. Les Pays-Bas réduisent leur production de gaz, les stocks de gaz sont moins remplis que d'habitude", a-t-il détaillé.
Uniper fait partie des cinq entreprises énergétiques européennes avec Wintershall Dea, Shell, OMV et Engie qui ont payé la moitié des 11 milliards de dollars qui correspondent au prix du Nord Stream 2.
"Chaque possibilité d'importation supplémentaire contribue à détendre la situation sur le marché du gaz", a ajouté Klaus-Dieter Maubach.
En outre, il juge que l’arrêt du projet "serait un risque économique" pour Uniper ainsi que pour l'approvisionnement en gaz de l'Europe.
"Les personnes qui prennent les décisions devraient le savoir. L'Allemagne couvre plus de 90% de ses besoins en gaz par des importations, dont la moitié est en provenance de Russie. Sur le total d'environ 400 térawattheures que l'Allemagne importe chaque année de Russie, près de 250 térawattheures proviennent des contrats à long terme d'Uniper avec la Russie", a-t-il expliqué.
Certification du Nord Stream 2
Le directeur du groupe a dit qu'il ne voyait aucune influence politique dans le processus de certification du gazoduc Nord Stream 2, tout en admettant la possibilité de sanctions américaines contre le projet en cas d'escalade du conflit entre la Russie et l'Ukraine.
"Mais il y a bien sûr des risques politiques: si le conflit entre la Russie et l'Ukraine s'intensifie, le gazoduc pourrait devenir la cible de sanctions américaines", a-t-il mis en avant.
Auparavant, interrogé sur les raisons pour lesquelles la certification du gazoduc pourrait traîner, Vladimir Demidov, analyste international du marché des ressources et de l'énergie, avait répondu à Sputnik que la réponse se trouve dans les négociations derrière les rideaux. L’interlocuteur de Sputnik avait estimé "qu’il y a des négociations détaillées, qui et comment peut influer sur ce gazoduc au cas où la Russie se comporterait soudainement de manière agressive, selon leur compréhension de cette interprétation".
Pour rappel, l'Agence fédérale allemande des réseaux a annoncé le 16 novembre la suspension temporaire de la procédure d'approbation du Nord Steam 2. Pour que le régulateur allemand puisse reprendre le processus, il faut que l’opérateur du gazoduc, basé en Suisse, soit juridiquement enregistré en Allemagne et transfère ses actifs et son personnel à une filiale créée dans le pays.
Tensions autour du Nord Stream 2
Le projet du Nord Stream 2, cofinancé par cinq compagnies européennes, à savoir OMV, Engie, Shell, Uniper, Wintershell DEA, aurait initialement dû être achevé en 2019. D'une capacité de 55 milliards de mètres cubes, ce tube suit le même trajet que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012. Mais le gazoduc et diverses sociétés qui participaient à sa construction ont été visés par des sanctions américaines décidées par l’administration de Donald Trump qui voulait remplacer en Europe le combustible russe par son gaz naturel liquéfié (GNL).
La crise énergétique en Europe, qui a éclaté suite à la flambée des prix du gaz et bouleversé tout le secteur européen de l’énergie, tant au niveau économique que sur le plan politique et social, a forcé à revoir le rôle du Nord Stream 2 pour le Vieux Continent. L’envolée des prix du gaz en Europe remonte au printemps dernier. En octobre, ils ont franchi la barre des 1.000 dollars pour 1.000 mètres cubes. Un record historique à 2.190,4 dollars a été établi le 21 décembre.
Fin décembre, le PDG de Gazprom a annoncé la fin du remplissage de la deuxième conduite du gazoduc, qui est désormais prêt pour l'exploitation. Le vice-Premier ministre russe Alexandre Novak avait précédemment déclaré que le gazoduc Nord Stream 2 entrerait en service avant la fin du premier semestre 2022.