Âgée de 32 ans, Maëva Frossard était surtout connue sous le pseudo Mava Chou, depuis le début de son parcours sur YouTube en 2015. Elle a parlé dans ses vidéos de son quotidien et de ses quatre enfants. Après que le couple s’est séparé, la mère s’est retrouvée ciblée par une campagne de harcèlement en ligne, mais aussi dans la vie réelle: la maison de Maëva a été espionnée et ses enfants ont reçu des appels anonymes.
Dans sa dernière vidéo, une semaine avant sa mort, l’influenceuse a confié ne pas "être en grande forme depuis deux ans, avec des hauts et des bas": "J’ai beaucoup de soucis personnels, physiquement ce n’est pas non plus la grande forme", a-t-elle raconté.
Elle disparaissait de temps en temps des réseaux sociaux, "ayant marre" de devoir se justifier.
"Homicide des temps modernes"
Quatre jours avant sa mort, elle poste une photo depuis la station de La Plagne sur Instagram. Souriante.
Le 22 décembre, l’avocat de la femme dépose plainte, au nom de Maëva et de son nouveau conjoint, contre son ex-mari et contre X pour "harcèlement moral" et "provocation au suicide". Le jour où apparaît un post Facebook annonçant le décès de Maëva.
Pour l’avocat Stéphane Giuranna, "cela s'apparente à un homicide des temps modernes. Vous pouvez tuer quelqu'un avec quelques paroles, des fausses informations et du harcèlement".
Depuis mai 2020, sa cliente a déposé cinq plaintes en lien avec le cyberharcèlement, sans qu’elles aboutissent.
"Il faut absolument que les pouvoirs publics réagissent, durcissent les législations, donnent les moyens aux services d'enquêteurs d'identifier les harceleurs qui sont des lâches, écrivent derrière leur écran et se sentent tout puissants, il faut que la peur change de camp", a insisté Me Giuranna.
"Pas moins coupables"
Le 22 décembre, le parquet d’Épinal, préfecture des Vosges, a initié une enquête pour rechercher les causes de la mort de Maëva Frossard, ainsi qu’une autre enquête pour "harcèlement moral ayant poussé au suicide", indique Le Parisien.
Selon le Projet européen sur les suicides forcés, la France a déploré 209 suicides forcés de femmes en 2017, contre 130 féminicides. Des chiffres qui mettent en lumière ce phénomène.
Les victimes de suicides forcés, qui "se sentent démunies, isolées, détruites", sont plus nombreuses que celles des féminicides, car "la souffrance psychologique est tellement insupportable", indique dans un entretien à Sputnik l’association Tu n’es pas seul·e.
"C’est une trahison de la confiance qui leur a été donnée, qui fait du quotidien des victimes un enfer insoutenable dont la seule échappatoire qui leur apparaît est le suicide", explique-t-elle.
"C’est un drame qui fait moins parler que les féminicides parce que [les suicides forcés sont, ndlr] moins médiatisés, mais ceux qui forcent leur conjoint ou ex-conjoint ne sont pas moins coupables que ceux qui battent et tuent leur conjoint ou ex-conjoint", fustige l’équipe du collectif.
Plan d’aide
Les membres de Tu n’es pas seul e ont récemment lancé une campagne d’affiches contre les violences conjugales. Quelles autres mesures de prévention peuvent entreprendre les associations, les citoyens et l’exécutif pour remédier au problème?
"Les démarches à entreprendre sont multiples, commencer d’abord par +détabouhiser+" par voie de sensibilisation et dialogue dans tous les lieux, souligne l’association. "Ce n’est pas une honte d’être une victime, la honte serait plutôt que rien ne bouge. Plus on en parlera, plus les informations passeront". Surtout, informer sur "les structures existantes d’aide aux victimes".
L’exécutif à son tour "pourrait en parler, faire de la prévention, prévoir des endroits réservés aux victimes pour assurer leur sécurité, dire aussi que faire intervenir la justice n’est pas un fléau. Leur dire aussi qu’il y a des professionnels et des associations adaptés, qui peuvent les guider et les écouter afin de les aider à se reconstruire. Que la peur n’a pas lieu d’exister quand on est entouré des bonnes personnes", poursuit l’équipe de Tu n’es pas seul·e.
"L’isolement est l’allié des prédateurs, c’est en étant là pour les personnes qui vivent ces situations qu’on changera les mentalités et que les choses changeront", résume l’association.