Le 30 décembre 2006, les mains dans le dos, les chevilles liées, Saddam Hussein se tient droit et digne devant la potence. Il prie et demande qu’on remette son Coran à sa famille, chose qui sera faite. Le bourreau s’avance et lui dépose un linge autour du cou pour atténuer la douleur du choc. La trappe s’ouvre, l’ancien Président irakien meurt instantanément quelques heures avant le début de l’Aïd, fête musulmane. C’est ainsi que l’homme fort qui régna sur l’Irak depuis 1979 mourut.
Mais les coulisses de cette exécution sont remplies de manigances et de parts d’ombres. Pour tenter d’élucider cette supercherie grandeur nature, il faut remonter au début des années 90. Lorsque le 4 août 1990 l’armée de Saddam Hussein envahissait le Koweït en 48 heures, les États-Unis sonnaient le clairon. Washington dépêchait un demi-million d’hommes en Arabie saoudite pour l’opération Tempête du désert en janvier 1991. Les troupes irakiennes étaient défaites en un peu plus d’un mois.
Un demi-million d’Irakiens périssaient sous le poids des sanctions
S’ensuivait la mise en place d’un véritable embargo économique sur tout le pays. Le Pentagone et Londres décidaient de surcroît de bombarder l’Irak en 1998, détruisant les principales infrastructures du pays. Routes, ponts, centrales d’électricité, d’eau, tout y passait.
Par l’intermédiaire de la CIA, Washington créait également le média de propagande Radio Free Iraq pour promouvoir ses valeurs dites démocratiques. Malgré le plan international, proposant de la nourriture contre du pétrole, l’imposition des sanctions s’était avérée une catastrophe humanitaire pour l’Irak. Dans la décennie 90, plus de 500.000 Irakiens mouraient. Ce qui n’a pas empêché Madeleine Albright, alors représentante des États-Unis à l'Onu, d'affirmer, lors d'un entretien télévisé, que le jeu en valait la chandelle.
Mais comme si ce n’était pas assez pour Bagdad, Washington affirmait sans preuve que Saddam Hussein entretenait des liens avec la mouvance djihadiste d’Al-Qaïda*, impliquée dans les attentats du 11 septembre. Pour les États-Unis, il fallait trouver un prétexte pour chasser le président irakien.
Dès l'été 2002, Dick Cheney, le vice-président américain, déclarait qu'il "n'y a pas de doute" que Saddam Hussein, ait "des armes de destruction massive". Mais le 5 février 2003, devant le conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire d'État américain Colin Powell alla encore plus loin dans le mensonge. Brandissant, une fiole d’anthrax, il assurait qu'il n'y avait "aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques et la capacité d'en produire rapidement davantage". Une information qui s’est révélée plus tard fausse: le rapport des services de renseignements américains déclassifié en 2015 démontrait que rien n’indiquait que Bagdad avait eu des armes de destruction massive.
La traque de Saddam Hussein
Malgré ce mensonge à la face du monde, les États-Unis débarquaient en mars 2003 en Irak avec ses alliés britanniques et australiens. Et ce, sans l’aval du Conseil de sécurité de l’Onu. La France, la Russie et la Chine s’y étant opposées. La débâcle de l’armée irakienne était totale. Mais pour les Américains, il fallait à tout prix mettre la main sur Saddam Hussein en cavale. Une récompense de 25 millions de dollars était promise à quiconque pouvait fournir toute information sur l'endroit où se cachait le Président de l’Irak.
L’un des traducteurs irakiens ayant travaillé pour les Américains revient au micro de Sputnik sur la traque de Saddam Hussein:
"Environ huit mois après avoir commencé à travailler avec eux, nous avons reçu des informations, bien sûr top secrètes, dont personne n’était au courant, sur l’endroit où se cachait Saddam Hussein dans le district d’Ad-Dawr dans la province de Salah ad-Din. C’était dans une ferme, littéralement à quelques mètres du fleuve Tigre".
Mais malheureusement pour les mouchards irakiens, ils n’ont jamais vu un centime des 25 millions de dollars.
"Mesdames et Messieurs, nous l’avons eu! Le tyran est prisonnier", c’est en ces termes que Paul Bremmer, l'administrateur en chef américain en Irak, annonçait la capture de Saddam Hussein le 13 décembre 2003. C’est alors que commençait son procès à partir de juillet 2004. Certains Irakiens voulaient qu’il soit jugé par la justice américaine, d’autres - par la Cour internationale, mais c’est finalement la justice irakienne qui s’en chargeait.
Les premières accusations portaient essentiellement sur les crimes de guerre commis par Saddam Hussein dans les années 80 envers les populations kurdes et chiites. Mais ce procès était un véritable casse-tête. Entre les pressions des anciens du parti Baas en faveur de l’accusé, les intimidations du camp adverse, l'assassinat de trois avocats de la défense, la démission d’un juge, le verdict final était rendu avant même la fin de la procédure d’appel. Peu de temps après, Rauf Rashid Abd al-Rahman, juge qui condamnait à mort l’ancien Président irakien, demandait l’asile au Royaume-Uni.
De A à Z, l’exécution de Saddam Hussein était une farce. L’Irak post-Hussein a vu le chaos s’installer et Daech* émerger et prospérer.
Le pays continue ainsi de subir les conséquences de l’unilatéralisme américain. Entre le terrorisme, la milicisation de la société, la corruption endémique des élites et la perte de souveraineté, 15 ans après l’exécution, le fantôme de Saddam Hussein hante toujours l’Irak.
*Organisation terroriste interdite en Russie