Les soldats israéliens auraient désormais "un permis de tuer" les Palestiniens

L’armée israélienne pourra dorénavant tirer à balles réelles sur les manifestants palestiniens. Cette répression, couplée à la colonisation, viserait à étouffer la résistance en Palestine, dans le silence de la communauté internationale.
Sputnik
L’apaisement entre les Israéliens et les Palestiniens n’est pas pour demain. Tsahal aurait autorisé à ses militaires à tirer à balles réelles sur les lanceurs de pierres et de cocktails Molotov, même après les faits. Cette information a été dévoilée par le média israélien Kanet confirmée par Tsahal, qui s’est refusée à tout commentaire. "Les procédures opérationnelles sont régulièrement mises à jour si nécessaire. Étant classées secret-défense, elles ne peuvent pas être publiées", s’est bornée à annoncer l’armée israélienne.
Cette mesure pour le moins répressive risque de mettre le feu aux poudres en Terre trois fois sainte. Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh, a qualifié ces nouvelles règles de "politique d’exécution" et a appelé à l’intervention urgente de la communauté internationale. Même son de cloche du côté des humanitaires locaux. La nouvelle mesure "ne constitue pas un changement, mais plutôt une transposition de la réalité sur le terrain", martèle l’organisation humanitaire israélienne B’Tselem, qui répertorie les atteintes aux droits de l’homme en Israël et Palestine.

Répressions en toute impunité?

Juridiquement, les soldats israéliens ne pouvaient user de la force létale qu’en cas d’attaque imminente. Ainsi, selon la nouvelle procédure, l’utilisation de la force armée est rendue possible dans le cas où le manifestant se trouve en "zone de combat", même s’ils ne constituent plus une menace immédiate. "Cette loi confirme une politique qui existe déjà depuis une décennie", réagit Alain Gresh, directeur du site d’information Orient XXI et spécialiste du conflit israélo-palestinien.
"C’est un permis de tuer avec un cadre juridique. C’est une politique d’aggravation de la répression. Ça donne plus de droits aux soldats israéliens, même s’ils n’ont jamais été inquiétés pour les crimes commis", souligne-t-il au micro de Sputnik.
Les soldats jugés pour des tirs injustifiés sont rarement condamnés, confirme Yael Stein, directrice de recherche de B’Tselem. "Les autorités militaires se protègent derrière des pages et des pages de langage juridique opaque, que personne ne comprend", déplore-t-elle. Alors même que l’année 2021 a été la plus meurtrière pour les enfants palestiniens depuis 2014: 78 mineurs ont péri sous les balles des forces israéliennes, 61 à Gaza et 15 en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
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Au cours des manifestations pour les "marches du retour" organisées à Gaza en 2018, les tireurs israéliens avaient blessé plus de 5.000 manifestants. Mais plusieurs enquêtes ont montré que les balles avaient été délibérément tirées dans les articulations des Palestiniens, genoux, chevilles, tibias, afin de les rendre infirmes.

"Dépeçage en Cisjordanie"

Au-delà du côté répressif, "il y a une intensification de la colonisation", rappelle Alain Gresh. Naftali Bennett, Premier ministre israélien, a approuvé en octobre dernier la construction de milliers de logements à Jérusalem-Est. Ces projets immobiliers vont surtout isoler les localités palestiniennes les unes des autres. Tel-Aviv continue également "le dépeçage en Cisjordanie", pourtant interdit au regard du droit international. En effet, les autorités israéliennes s’apprêtent à y implanter 3.100 habitations supplémentaires. En 1989, on dénombrait environ 70.000 colons, aujourd’hui ce chiffre a pratiquement été multiplié par 10: 675.000 Israéliens habitent dans les territoires occupés.
Pour éviter un énième soulèvement palestinien, les autorités israéliennes "veulent casser tout mouvement de résistance au sein de la rue palestinienne", analyse Alain Gresh, car "Israël veut éviter ce qu’il s’est passé en mai dernier". De nombreuses manifestations en Cisjordanie, à Jérusalem et dans certaines villes israéliennes peuplées d’Arabes avaient entraîné des affrontements sanglants avec le Hamas pendant 10 jours. Et pour cela, Tel-Aviv composerait avec le chef de l’autorité palestinienne pour tenter un début de dégel des relations. "Il est lui-même impopulaire et sert les intérêts israéliens", interprète le spécialiste du Proche-Orient.
Le 28 décembre, Mahmoud Abbas s’est en effet rendu pour la première en Israël depuis 11 ans pour rencontrer les officiels israéliens. Après son entretien avec le leader palestinien, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a exprimé son souhait de mettre en place des gestes de bonne volonté vis-à-vis des Palestiniens.
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Israël va ainsi tenter de mettre en place des mesures de confiance: un versement anticipé des taxes perçues au nom de l’autorité palestinienne, la régularisation du statut de quelque 10.000 Palestiniens et l’octroi de nouveau permis pour des hommes d’affaires venus de Cisjordanie et de Gaza.
Une stratégie qui n’est pas nouvelle. En septembre dernier, Tel-Aviv avait proposé un marchandage avec Gaza, investissement contre sécurité. Le Hamas et l’Autorité palestinienne avaient refusé ce plan.
"Depuis 40 ans et l’époque de Shimon Perez, l’idée de paix économique est sur la table du côté israélien. Ils pensent qu’en améliorant les conditions de vie des Palestiniens, ces derniers cesseront toute revendication politique. Mais face à cet échec, Israël continue d’user de la répression", tranche Alain Gresh.
Devant la banalisation du système répressif israélien, ce qui indigne au plus haut point notre interlocuteur est le silence de la communauté internationale.
"Aujourd’hui, si on lance une pierre, on reçoit une balle dans la tête. Dans un pays soi-disant démocratique, c’est inconcevable. Imaginez une seconde que cette loi soit appliquée en Chine ou en Russie? On aurait une levée de boucliers immédiate."
"Personne ne fait rien pour empêcher la continuation d’une telle politique", regrette Alain Gresh:
"Les États-Unis s’alignent sur Israël et l’Europe et la France restent muettes, donc complices."
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