Covid-19

Nouvelles mesures sanitaires: "Il n’y a pas beaucoup d’arguments scientifiques"

Alors que les contaminations au Covid-19 sont en hausse, l’exécutif a annoncé une série de mesures pour endiguer cette tendance. Le professeur Stéphane Gayet, médecin infectiologue-hygiéniste, analyse pour Sputnik l’efficacité de ces dernières.
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"On a vraiment l’impression que le pouvoir exécutif et le chef de l’État font un pilotage de l’épidémie, plutôt qu’une gestion, en fonction des risques politiques, des sondages, de l’humeur des gens, des réactions des professionnels", tacle d’emblée le Pr Gayet.

Les choix faits par l’exécutif pour contrer le nouveau rebondissement de l’épidémie font réagir professionnels comme politiques. "Nous faisons face à deux vagues simultanées, qui sont liées à deux variants différents et qui nécessitent deux types de mesures complémentaires, afin de les freiner", a expliqué Olivier Véran pour justifier la stratégie gouvernementale. Selon le ministre de la Santé, "tout laisse à penser que nous pourrions atteindre plus de 250.000 cas par jour d’ici au début du mois de janvier". Le jour de Noël, un premier record avait d’ailleurs été atteint avec 100.000 cas positifs recensés.

Levée de boucliers contre les mesures sanitaires

Contacté par Sputnik, le professeur Stéphane Gayet, médecin infectiologue-hygiéniste, juge cette interprétation du contexte sanitaire "très déformée". Le médecin estime que l’on "exagère la situation épidémiologique, en arrangeant la façon de présenter les chiffres". Notamment en communiquant sur les nouveaux cas positifs. Or, "avant, on parlait des admissions en soins critiques", rappelle l’infectiologue:

"Épidémiologiquement parlant, ce ne sont pas des cas, mais des tests positifs. Un cas en médecine, c’est une personne nouvellement malade avec un minimum de symptômes et de signes. On nous donne des chiffres qui correspondent à des tests positifs, mais on ne connaît absolument pas l’état des gens."

De plus, le taux d’incidence communiqué est largement dépendant du nombre de tests effectués, une donnée qui n’est pas communiquée au grand public. Stéphane Gayet affirme d’ailleurs que le variant Omicron est "peu pathogène". Un constat qu’a prudemment confirmé Olivier Véran: "les études dont nous disposons en provenance de l’Afrique du Sud, en provenance du Danemark, en provenance du Royaume-Uni, semblent montrer que les hospitalisations sont peu nombreuses et pour des motifs moins graves."
Reste que d’après des experts de l’OMS, "la dangerosité du virus ne vient pas forcément de son agressivité, mais elle vient surtout de sa transmissibilité. Si on a énormément de patients, finalement, la pression sur les hôpitaux restera la même".
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Ce qu'il faut retenir des nouvelles mesures annoncées par Jean Castex et Olivier Véran
Alors, pour tenter d’endiguer cette hausse des contaminations, l’exécutif a annoncé une série de mesures qui ont reçu un accueil plus que mitigé de la part de l’opposition. Ainsi, Marine Le Pen, candidate à la Présidentielle du RN, les a-t-elles qualifiées de "ridicules" et "punitives". Pour sa part, le sénateur PCF Fabien Gay a condamné la stratégie gouvernementale: "Plus de café au comptoir, de popcorn au cinéma, de concert debout, masque à l’extérieur, télétravail, Passe Vaccinal, possibilité d’une quatrième dose… mais pas un mot sur la réouverture des lits, gratuité des tests, levée des brevets pour accélérer la vaccination de l’Humanité!", a-t-il fustigé sur Twitter.

Des mesures "relativement douces"

D’un point de vue épidémiologique, l’approche gouvernementale est-elle néanmoins justifiable? "Beaucoup de professionnels craignaient des mesures très restrictives, finalement les mesures qui ont été imposées hier sont relativement douces", remarque le Pr Gayet. "On connaît les lieux et les circonstances qui favorisent la circulation du virus: c’est en intérieur et pas en extérieur et le soir plutôt que la journée, parce que le soir, on se relâche", admet-il. Raillée sur les réseaux sociaux, l’interdiction de consommer debout dans les bars et restaurants est pourtant jugée par l’infectiologue comme une "mesure qui pour une fois est intelligente".

"Quand on est debout à un bar, on ne peut pas contrôler les distances, car on se déplace, on va on vient, alors que lorsque l’on est assis à une table, les distances ne bougent pas, c’est donc une bonne mesure."

Concernant la réintroduction des jauges pour les grands rassemblements, fixées à 2.000 personnes au maximum en intérieur et de 5.000 personnes à l’extérieur, le médecin ne cache pas sa circonspection. "C’est une mesure très empirique, on ne peut pas dire qu’il y a beaucoup d’arguments scientifiques", avance-t-il. En effet, il rappelle qu’à partir d’une certaine concentration humaine, il est difficile de respecter les distances interpersonnelles. Autant de personnes qui peuvent donc émettre des "particules aéroportées, chargées de particules virales". Cependant, le spécialiste souligne que la qualité du système d’aération de la salle a une grande incidence sur le renouvellement de l’air.

"Le pass vaccinal est un scandale"

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un télétravail obligatoire trois jours par semaine, ou encore la réduction du délai pour recevoir une dose de rappel, qui passe de quatre à trois mois, afin de faire face au variant Omicron, plus contagieux. Dans le même temps, Jean Castex a indiqué que les cas contact devront respecter une nouvelle durée d’isolement. Une période qui devrait être plus courte. Ce choix n’est-il pas paradoxal? Rien n’est moins sûr, assure le Pr Gayet: "cela peut s’admettre, parce que là encore, ce sont des mesures très empiriques". Il poursuit: "scientifiquement, ce sont des courbes de contagiosité, il n’y a pas d’intervalles précis."

"Lorsque l’on est contaminé, on a à peu près trois jours d’incubation, on estime que l’on peut être contagieux à partir du deuxième ou troisième jour. Puis la contagiosité va connaître un plateau élevé vers le cinquième, sixième jour. Ensuite, cela baisse. Donc, si on décide que les gens seront en isolement pendant six ou sept jours, c’est acceptable", détaille l’infectiologue.

Cependant, toutes les mesures présentées par le gouvernement sont loin de trouver grâce aux yeux du Pr Gayet. Il tire notamment à boulets rouges sur la volonté du gouvernement de remplacer le pass sanitaire par un pass vaccinal: "depuis longtemps, les mesures qui sont décidées sont des mesures politiques, qui ne sont plus sanitaires".

"Ce pass vaccinal est une passerelle qui veut conduire à la vaccination plus ou moins obligatoire. Cette obligation avec répression est tout à fait inadmissible. J’étais déjà contre le passe sanitaire, je suis encore plus contre le pass vaccinal, qui est un scandale", conclut le Pr Gayet.

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