Alors que les pratiques des laboratoires pharmaceutiques sont scrutées de près en cette période de crise sanitaire, voici que le dioxyde de titane refait parler de lui. Deux après son interdiction dans le secteur alimentaire, la substance reste en effet massivement employée dans l’industrie du médicament, selon une enquête du magazine de consommation Kali citée par Franceinfo.
Aussi connu sous le nom de TiO2 ou d’E71 dans l’alimentaire, le dioxyde de titane est suspecté d’être cancérigène. Sa véritable utilité laisse également songeur, puisqu’il sert surtout à blanchir les médicaments et leur donner un aspect plus agréable à l’œil, comme l'explique à la chaîne publique Christelle Pangrazzi, rédactrice en chef de Kali.
"Le dioxyde de titane est interdit dans l'alimentation parce qu'il est probablement cancérogène quand il est ingéré, cancérogène certain quand il est inhalé […] Il y a une réticence des fabricants de médicaments, des laboratoires, à modifier ces compositions en expliquant que les patients préfèrent avoir des médicaments plus blancs", détaille ainsi la journaliste.
Au total, 800 médicaments recourent au dioxyde de titane, dont certains très communs comme le Doliprane, ou accessibles sans ordonnance tel le Spasfon. Le magazine a interpellé les pouvoirs publics sur le sujet. Il demande plus largement un changement réglementaire sur l’usage des nanoparticules dans les biens de consommation.
L’exécutif à reculons
En France, le positionnement des autorités sur la question reste ambigu. En 2019, Bercy avait ainsi bloqué la procédure d’interdiction du E71 dans l’alimentaire, malgré la pression des associations de défense des consommateurs. Le ministre de l’Économie avait refusé de signer les décrets d’application d’une loi qui bannissait le colorant du marché.
Bruno Le Maire avait finalement cédé après un rapport de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments (Anses), estimant que les doutes ne pouvaient être levés sur l’innocuité de la substance. Plusieurs industriels ou grandes enseignes avaient même pris les devants, en supprimant l’additif de leurs rayons ou de leurs produits, notamment dans le secteur de la confiserie.
À l’époque, cette valse-hésitation du gouvernement avait d’ailleurs provoqué les foudres de certaines associations. François Veillerette, directeur de Générations futures, avait ainsi fustigé l’attitude "incompréhensible" et "inacceptable" de Bercy, appelant sur France info à ne pas "s’en remettre à la bonne volonté des industriels" pour en finir avec l’E71.
En 2019, Agir pour l'environnement avait également dénoncé la présence de dioxyde de titane dans plus de 270 dentifrices.