Ce télescope infrarouge révolutionnaire, d'un coût de 9 milliards de dollars (7,9 milliards d'euros), a décollé samedi à 12h20 GMT (13h30 heure de Paris) du centre spatial de Kourou de l'Agence spatiale européenne (ESA), en Guyane française, à bord de la fusée européenne Ariane 5.
"Depuis une forêt tropicale jusqu'aux frontières temporelles, James Webb entame un voyage vers la naissance de l'univers", a déclaré un commentateur de la Nasa alors que le lanceur de deux étages, équipé de deux propulseurs d'appoint à poudre, quittait son aire de lancement dans un ciel nuageux.
Après un voyage hypersonique de 27 minutes dans l'espace, l'instrument de plus de six tonnes a été libéré de l'étage supérieur de la fusée de fabrication française, à environ 865 miles (près de 1.400 kilomètres) au-dessus de la Terre. Il devrait progressivement se déployer pour atteindre la taille d'un court de tennis au cours des 13 prochains jours, alors qu'il naviguera seul.
La vidéo en direct captée par une caméra montée sur l'étage supérieur de la fusée a montré le Webb s'éloignant doucement après avoir été largué, suscitant les acclamations et les applaudissements des ingénieurs de vol dans le centre de contrôle de la mission.
Les contrôleurs de vol ont confirmé quelques instants plus tard, alors que le panneau solaire de la sonde Webb était déployé, que son alimentation électrique fonctionnait.
Le télescope mettra 29 jours pour atteindre sa destination finale en orbite solaire (point "Lagrange 2"), à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre, soit environ quatre fois la distance de notre planète avec la Lune.
Contrairement à son prédécesseur - le télescope spatial Hubble, âgé de 30 ans - qui tourne autour de la Terre, Web sera placé sur le même orbite que la terre autour du soleil.
Ce télescope, qui porte le nom d'un ancien administrateur de la Nasa dans les années 1960, est 100 fois plus puissant qu'Hubble. Il devrait révolutionner la compréhension qu'ont les astronomes de l'univers en observant des parties du cosmos remontant à un million d'années après le "Big Bang".
Webb observera principalement le cosmos dans le spectre infrarouge, ce qui lui permettra de scruter les nuages de gaz et de poussière où naissent les étoiles, alors que Hubble fonctionnait principalement dans les longueurs d'onde optiques et ultraviolettes.
LEÇON D'HISTOIRE COSMOLOGIQUE
Le miroir principal du nouveau télescope est composé de 18 segments hexagonaux en métal de béryllium recouvert d'or, ce qui lui procure une vaste surface lui permettant de collecter plus de lumière et d'observer des objets plus éloignés, donc plus anciens qu'Hubble ou tout autre télescope.
Selon les astronomes, il permettra d'accéder à des informations sur le cosmos jusqu'à présent impossibles à obtenir, datant d'à peine 100 millions d'années après le Big Bang, l'explosion théorique qui a déclenché l'expansion de l'univers observable il y a environ 13,8 milliards d'années.
Les observations de Hubble remontaient à environ 400 millions d'années après le Big Bang, révélant des objets que Webb sera en mesure de scruter avec une plus grande précision.
En dehors de la formation des premières étoiles de l'univers, il permettra également d'étudier les trous noirs super-massifs qui occuperaient le centre de galaxies lointaines.
Les instruments de Webb permettent également de rechercher des preuves d'atmosphères potentiellement propices à la vie autour de dizaines d'exoplanètes récemment documentées - des corps célestes en orbite autour d'étoiles lointaines - et d'observer des mondes beaucoup plus proches de nous, comme Mars et Titan, la lune glacée de Saturne.
Ce télescope est le fruit d'une collaboration internationale dirigée par la Nasa en partenariat avec les agences spatiales européenne et canadienne. Northrop Grumman Corp en est le principal maître d'oeuvre. Le lancement du télescope par Arianespace entre dans le cadre de la contribution européenne.
L'exploitation astronomique du télescope, qui sera gérée depuis le Space Telescope Science Institute de Baltimore, devrait commencer à l'été 2022, après environ six mois d'alignement et d'étalonnage des miroirs et des instruments du Webb.
C'est à ce moment-là que la Nasa prévoit de diffuser le premier lot d'images prises par Webb, conçu pour durer jusqu'à 10 ans.