"Il est bien certain que l’arrivée de ces masses d’illégaux qui vivent très souvent dans des conditions à grands risques constitue un potentiel de contagion énorme pour le Québec."
C’est en tout cas l’avis d’André Sirois, ex-conseiller juridique de la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié du Canada. "Si les immigrés doivent être hospitalisés, ils le seront au Québec à nos frais, dans des hôpitaux déjà bondés, comme tous les gens qu’ils auront contaminés", avance à notre micro cet avocat auprès de l’Onu.
Des entrées illégales ignorées volontairement par Ottawa
André Sirois appuie ainsi la récente déclaration de Jean Boulet, le ministre québécois de l’Immigration. Le 20 décembre dernier, celui-ci a demandé au gouvernement Trudeau de fermer le principal point de passage permettant aux migrants illégaux de rentrer en territoire québécois. L’intervention du ministre survenait au moment où de nouvelles mesures de confinement étaient annoncées par le gouvernement du Premier ministre provincial, François Legault:
"Le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités. Il faut fermer le chemin Roxham. Nous devons tous nous mobiliser devant la remontée des cas de Covid-19 afin de ne pas surcharger notre système de santé!", a déclaré le ministre Boulet.
Perpendiculaire à la frontière américano-canadienne, la petite route que constitue le chemin Roxham est effectivement devenue l’emblème de l’immigration illégale au pays de l’érable. Depuis 2017, plusieurs dizaines de milliers de migrants ont transité irrégulièrement vers le Canada depuis les États-Unis en empruntant cette voie.
Pour André Sirois, la tolérance et même l’acceptation par le gouvernement Trudeau de ce célèbre point de passage vont à l’encontre de l’intégrité et de la sécurité du Québec. Fermé en mars 2020 en raison de la pandémie, le chemin Roxham a été rouvert par Ottawa le 21 novembre dernier. Depuis, au moins 2.000 migrants l’ont franchi, selon les informations de Radio-Canada.
"C’est le Québec qui fait les frais de l’incurie canadienne et la situation se détériore encore plus rapidement avec l’arrivée du variant Omicron. C’est un autre exemple de la politique discriminatoire du Canada contre le Québec. Il est certain que si cette situation concernait une autre province, le problème aurait été réglé il y a longtemps", fustige l’avocat.
Les migrants affluant par le chemin Roxham profitent ici d’une brèche dans l’"Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs". Leur but est de déposer une demande d’asile auprès des autorités.
Une entente entre Ottawa et Washington en cause
En vigueur depuis 2004, cet accord stipule que le Canada et les États-Unis sont des "pays sûrs" respectant les principes internationaux de protection des réfugiés. En vertu de ce document, les demandeurs d’asile doivent présenter leur requête dans le premier pays sûr où ils arrivent, ce qui les empêche de soumettre une demande dans l’autre pays signataire. Au Canada, les règles du traité peuvent toutefois être contournées par un migrant si celui-ci franchit la frontière de manière dite irrégulière. Plusieurs politiciens et observateurs estiment que l’accord doit être suspendu ou modifié pour mettre fin à la situation.
Dans un échange avec Sputnik, Alexander Cohen, l’attaché de presse du ministre fédéral de l’ImmigrationSean Fraser, précise que le ministère travaille actuellement à "moderniser" l’Entente. Il affirme que celle-ci représente toujours "un outil important pour collaborer avec les États-Unis afin d’assurer le traitement ordonné des demandes d’asile". Le ministère affirme aussi qu’il continuera "de travailler en étroite collaboration avec les provinces […] tout en protégeant la santé et la sécurité des Canadiens":
"Cela [la collaboration avec les provinces, ndlr] comprend des mesures solides pour protéger les Canadiens, y compris des procédures de quarantaine. Nous soutenons également le Québec en finançant le logement et d’autres services destinés aux réfugiés et aux demandeurs d’asile", poursuit Alexander Cohen.
Selon les informations de Radio-Canada, Ottawa souhaiterait mettre fin aux passages illégaux en modernisant le traité.
Des migrants illégaux envoyés par les États-Unis?
Mais pour André Sirois, rien n’est moins sûr. Selon lui, il est "évident" que Washington "ne souhaite pas corriger cette faille dans l’Entente internationale qui lui permet d’utiliser le Canada pour se débarrasser de migrants dont il a un trop grand nombre".
Pour des raisons d’ordre économique et bureaucratique, Ottawa trouverait aussi avantage à accueillir des migrants de manière irrégulière. Notre interlocuteur dénonce le fait que le chemin Roxham offre un "traitement préférentiel" à un nombre grandissant de "faux réfugiés au détriment des vrais demandeurs d’asile et des migrants légitimes":
"Au lieu de boucher cette faille ou de prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation dans la pratique, le gouvernement canadien l’a officialisée par des installations montées à grands frais sur les terrains loués pour les cinq prochaines années d’un généreux contributeur du parti au pouvoir", s’indigne-t-il.
Ces dernières années, les entrées irrégulières à la frontière américano-canadienne ont donné lieu à une véritable industrie. Lorsque le chemin Roxham est ouvert, des chauffeurs de taxi et d’autobus privés se relaient chaque jour sur le côté sud du tracé pour emmener les migrants à destination. Le Canada, nouvel eldorado de l’immigration illégale?