Aux États-Unis, l’inflation reviendra-t-elle aux niveaux antérieurs à la pandémie, alors que, avec près de 7%, elle atteint à l’approche de Noël un niveau inégalé depuis 1982? Le retour à la normale n’est pas prévu pour bientôt, estime Jonathan Hamel, analyste économique basé à Montréal.
Les classes moyenne et inférieure happées en premier
Selon lui, la fulgurante augmentation du prix du carburant indique que l’inflation est là pour rester, d’autant plus que l’administration démocrate entendrait continuer à faire "imprimer de l’argent", c’est-à-dire à injecter des liquidités dans l’économie via la Réserve fédérale américaine et des programmes sociaux. Un "phénomène extrêmement pernicieux pour les plus pauvres des Américains", observe l’investisseur en entrevue:
"Le pouvoir d’achat va baisser. Depuis la crise sanitaire, c’est environ cinq fois l’économie du Canada qui a été imprimée aux États-Unis! […] L’inflation peut être bénéfique pour les gens les plus riches, mais les plus pauvres vont devoir l’absorber en se privant de repas au restaurant et d’autres dépenses considérées comme de luxe ou non essentielles. […] Le réveil est inévitable", prévient Jonathan Hamel.
Concrètement, cela signifie que les Américains des classes moyenne et inférieure devront limiter leurs déplacements en automobile, changer leurs habitudes de consommation à l’épicerie et limiter leurs dépenses en tout genre. De même, la rénovation et la construction de nombreuses maisons pourraient être interrompues. "Les salaires ne suivent pas la courbe", précise notre interlocuteur.
Les problèmes d’approvisionnement comme bouc émissaire?
Le principal facteur de la flambée des prix selon Jonathan Hamel: l’ensemble des mesures sanitaires encore en vigueur dans plusieurs États, lesquelles ralentissent l’économie. Dans cette optique, la rupture de certaines chaînes d’approvisionnement ne serait pas une cause de la récession, mais plutôt l’une de ses conséquences:
"On se sert un peu des chaînes d’approvisionnement comme bouc émissaire. Le problème est plus en amont et ce sont les mesures restrictives liées au Covid. […] Plus le gouvernement fédéral essaie d’intervenir et plus il jette de l’huile sur le feu."
Selon un sondage publié le 15 décembre et mené par la firme SSRS pour le réseau CNN, les trois quarts des citoyens américains se disent préoccupés par l'état de l'économie de leur communauté immédiate. Plus de 60% d’entre eux jugent que l'économie de leur pays se trouve en mauvais état.
Flambée des prix: les Américains inquiets
Près de la moitié des habitants du pays de l’Oncle Sam estime également que les politiques du Président Biden ont aggravé la situation. Une réalité qui ne pourrait que favoriser les Républicains aux prochaines élections de mi-mandat:
"Les prochains mois seront critiques. […] À moyen terme, ce qu’on risque de voir est de la stagflation, donc une inflation élevée avec une stagnation de la croissance économique. Ça, ce serait vraiment la crise parfaite. Il y aura forcément une réaction politique. Il y aura un impact direct sur la population, qui réagira forcément, car ce genre de scénario sera intenable", avertit Jonathan Hamel.
Le 9 décembre dernier, le Président Biden a tenu à rassurer les Américains en déclarant que le prix de l’essence avait "déjà commencé à baisser à l'échelle nationale". Il a également affirmé qu’une baisse de prix des véhicules d’occasion était à prévoir au cours des prochains mois. Une sortie qui ne convainc guère notre interlocuteur, pour qui la politique des Démocrates ne favorise pas les plus démunis:
"Pour le moment, il ne semble pas y avoir de volonté politique pour sortir du sanitaire. […] Si les Démocrates étaient vraiment de gauche, ils feraient en sorte que leurs politiques aident les plus pauvres et ce n’est pas le cas", conclut Jonathan Hamel.