Révision constitutionnelle en Tunisie: "un cas unique de démocratie participative directe"

Le Président tunisien a dévoilé sa feuille de route politique qui prévoit l’organisation d’élections législatives en décembre 2022. Kaïs Saïed s’est surtout engagé à lancer un processus de révision constitutionnelle qui permettra aux citoyens tunisiens de faire des propositions à travers une plateforme digitale.
Sputnik
"Je ne ferai pas marche arrière". C’est un homme fermement décidé à poursuivre son programme de transformation du système politique qui est apparu sur les écrans de télévision durant la soirée du 13 décembre 2021. Le ton solennel, le Président Kaïs Saïed a prononcé un long discours pour présenter aux Tunisiens sa feuille de route. Un programme qui s’étalera sur une année entière pour prendre fin le 17 décembre 2022 par la tenue d’élections législatives anticipées. Une date hautement symbolique puisque c’est un 17 décembre 2010 qu’a débuté la révolution tunisienne suite à l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, un vendeur de fruits et légumes ambulant dans la ville de Sidi Bouzid.

Nouveau système politique

Ce programme va ainsi permettre au Président Kaïs Saïed de se débarrasser de la Constitution de janvier 2014 dans sa forme actuelle. Le chef de l’État tunisien a critiqué à plusieurs reprises cette loi fondamentale, élaborée durant trois ans par une assemblée constituante, qui accorde de larges pouvoirs au Parlement et où une majorité distincte et homogène peinait chaque fois à se constituer. Professeur de droit constitutionnel avant de prendre les rênes de l’État, il connaît parfaitement les conséquences sur la démocratie si des changements conséquents sont mal opérés au niveau du système politique.
Lors de son discours du 13 décembre, le Président Saïed a annoncé le lancement d’un processus de consultation des citoyens tunisiens devant leur permettre de participer à l’élaboration de la nouvelle Constitution et d'une nouvelle loi électorale. Cette initiative débutera le 1er janvier 2022 et se déroulera via une plateforme électronique. Une commission sera chargée de réceptionner ces propositions en juin 2022. Contacté par Sputnik, Adnan Limam, politologue et juriste tunisien, explique que cette initiative est une "première mondiale".
"C’est un fait inédit car ce sont les citoyens qui vont participer activement à l’élaboration de la nouvelle constitution en présentant des propositions sur cette plateforme. Des experts en droit constitutionnel se chargeront ensuite de mettre ces recommandations dans la forme adéquate. Il faut bien comprendre que nous sommes là dans une situation de démocratie participative directe. Le fait d’impliquer les citoyens dans les affaires de l’État est un gage de stabilité sociale dans un contexte particulièrement difficile pour la Tunisie", indique-t-il.
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Adnan Limam rappelle que le Président Kaïs Saïed avait chargé, au mois d’octobre 2021, le ministre des Technologies de la communication de préparer une plateforme digitale "afin de mettre en œuvre ce processus politique". Pour le politologue, le recours à ce type de consultation directe "ringardise" ses détracteurs qui l’accusent d’être un dictateur.
"C’est une initiative courageuse de la part du Président, car elle dépasse largement le plafond de démocratie admis dans le monde. Souvenez-vous qu’en France le mouvement des Gilets jaunes avait pour principale revendication la mise en œuvre d’un Référendum d’initiative citoyenne (RIC), qui devait permettre aux Français de prendre l’initiative constitutionnelle. Cette initiative avait été rejetée par le gouvernement français", souligne Adnan Limam.
Les Tunisiens auront jusqu’au 20 mars 2022 - journée marquant l’indépendance de la Tunisie en 1956 - pour adresser leurs propositions de dispositions constitutionnelles. La nouvelle constitution sera ensuite soumise à un référendum le 25 juillet, jour de la fête de la République. Si cette expérience réussit, le modèle tunisien de démocratie participative directe pourrait devenir un modèle pour d’autres pays.
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