La Haute Cour de Londres juge recevable l'appel des États-Unis concernant l'extradition du fondateur de Wikileaks Julian Assange, accusé notamment d'espionnage et de complot pour avoir piraté des ordinateurs du gouvernement.
"La cour fait droit à l'appel", a déclaré le juge Timothy Holroyde. Il a ajouté que les États-Unis avaient donné un ensemble d'assurances au Royaume-Uni concernant les conditions de détention d'Assange.
Les autorités américaines accusent M.Assange, 50 ans, d'origine australienne, de 18 chefs d'accusation liés à la publication par WikiLeaks de vastes quantités de dossiers militaires et de messages diplomatiques confidentiels américains qui, selon elles, ont mis des vies en danger.
Les États-Unis ont fait appel d'une décision rendue le 4 janvier par un juge de district de Londres, selon laquelle Assange ne devrait pas être extradé parce qu'il pourrait probablement se suicider dans une prison américaine.
Le juge a indiqué que l'affaire devait maintenant être renvoyée devant la Westminster Magistrates Court de Londres avant d'être transmise au gouvernement britannique pour approuver l'extradition ou non de Julian Assange.
Wikileaks
WikiLeaks s'est fait connaître en publiant en 2010 une vidéo de l'armée américaine montrant une attaque menée en 2007 par des hélicoptères Apache à Bagdad, tuant une douzaine de personnes, dont deux membres du personnel de Reuters. Elle a ensuite publié des milliers de dossiers secrets et de télégrammes diplomatiques.
Les procureurs américains et les responsables occidentaux de la sécurité considèrent M.Assange comme un ennemi imprudent et dangereux de l'État dont les actions ont mis en danger la vie d'agents nommés dans les documents divulgués.
Ses partisans, eux, le présentent comme un héros anti-establishment, victime des États-Unis pour avoir révélé les méfaits de ces derniers en Afghanistan et en Irak.
Garanties américaines
Lors de l'audience en appel au sujet de son extradition, qui s'est tenue sur deux jours fin octobre, les États-Unis ont cherché à rassurer sur le traitement qui serait réservé au fondateur de WikiLeaks.
L'avocat représentant le gouvernement américain, James Lewis, a assuré qu'Assange ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence, dans le Colorado, surnommée l'"Alcatraz des Rocheuses", où sont notamment détenus à l'isolement quasi total des membres d'Al-Qaïda*.
La justice américaine s'assurerait que le fondateur de WikiLeaks reçoive les soins cliniques et psychologiques nécessaires et qu'il puisse demander à purger sa peine en Australie, avait-il affirmé.
L'avocat de Julian Assange, Edward Fitzgerald, avait quant à lui rétorqué que les assurances américaines ne changent rien et que subsiste "un grand risque de suicide, quelles que soient les mesures" qui seraient prises.
Réactions
Reporters sans frontières a déjà condamné la décision de la cour britannique. "Nous sommes convaincus que Julian Assange a été pris pour cible en raison de sa contribution au journalisme", a écrit son secrétaire général Christophe Deloire sur Twitter.
La fiancée de Julian Assange, Stella Moris, a fait savoir de son côté qu'ils "feron[t] appel de cette décision le plus tôt possible". Elle dénonce une "grave erreur judiciaire".
"Ignoble décision anglaise d'expulser aux USA Assange. Un meurtre sous apparence judiciaire. Honte à ceux qui laissent faire", a commenté sur Twitter Jean-Luc Mélenchon, lequel faisait partie des 39 députés qui ont appelé en novembre l'État français à octroyer l’asile politique au fondateur de WikiLeaks.
Le ministère russe des Affaires étrangères a également condamné cette décision. "Ce verdict honteux dans une affaire politique contre un journaliste et personnage public est une nouvelle manifestation de la vision cannibale du monde du tandem anglo-saxon", a écrit sa porte-parole Maria Zakharova sur son compte Telegram.
La Fédération internationale des journalistes a exhorté Joe Biden à abandonner les charges qui pèsent sur Julian Assange. "La criminalisation des lanceurs d'alerte et des journalistes d'investigation comme Assange n'a pas sa place dans une démocratie", plaide-t-elle sur Twitter.
*Organisation terroriste interdite en Russie