"La sale vérité sur les contes de fées": une dessinatrice de BD donne une leçon de rattrapage

Lou Lubie, auteur d’une bande dessinée à ne pas donner aux enfants, explique à Sputnik comment les contes de fées ont évolué au cours des siècles et souligne leur importance dans le développement personnel.
Sputnik
Lus de génération en génération, les contes de fées ont-ils gardé leur sens initial? La scénariste et illustratrice de bandes dessinées Lou Lubie assume la tâche de rétablir la vérité avec sa dernière œuvre Et à la fin, ils meurent: la sale vérité sur les contes de fées.
Plein d’humour, son livre est plus réaliste que les versions connues de Walt Disney et "est à mettre dans les mains des adultes, à partir de 16 ans", met en garde l’auteur.
"Il s'agit d'une enquête analytique sur les contes et leurs origines", explique-t-elle dans un entretien à Sputnik. "Comme les contes d'origine, elle contient de la violence et du sexe."
Déçue par la méconnaissance des contes de fées, "souvent confondus avec les films de Disney", Lou Lubie a "essayé d'être la plus fidèle possible aux contes originaux, en comparant leurs multiples versions et en [s]e référant aux textes d'origine".

Idées reçues

La dessinatrice commence par les notions de base. Les interprétations contemporaines telles que celles de Disney tendent à mettre en avant la présence d’une "fée" dépeinte comme une gentille mamie ou une jeune femme intemporelle, baguette magique à la main.
Or, la fée n’est pas un personnage indispensable d’un conte et le mot même de "fée" a un sens beaucoup plus large: tout ce qui a une essence surnaturelle.
Autre perception stéréotypée: la bonne fin, souvent sans précision. Du point de vue psychanalytique, il s’agit d’une "métaphore de l’accomplissement", indique l’illustratrice sur son compte Instagram.
Cependant, les fins originales n’étaient pas toujours heureuses comme La Petite sirène qui met fin à ses jours, désespérée de n'avoir pu conquérir le cœur du prince. En effet, les contes, initialement racontés oralement, n’étaient pas destinés uniquement aux enfants.
Selon Lou Lubie, les contes en version originale étaient "si crus qu'il fallait que je garde un certain degré de dérision! Avec mon dessin simple qui va droit à l'essentiel, c'était le meilleur moyen de faire de l'humour noir sans verser dans le gore", explique-t-elle.

Une même idée, différentes morales

Cependant, le plus important – le miracle – est toujours présent dans les contes de fées, "issus d'un héritage millénaire, construits dans la mémoire collective humaine".
"Le merveilleux est indispensable à l'imaginaire et à la compréhension de soi", souligne l’illustratrice.
Le psychanalyste Bruno Bettelheim, qui s’intéressait à la santé mentale des enfants, expliquait notamment dans ses travaux "que sans l'apport des contes, les enfants peinent à résoudre leurs conflits intérieurs", poursuit-elle.
Son livre Psychanalyse des contes de fées paru en 1976 était destiné à "aider les adultes, et plus spécialement ceux qui ont charge d’enfants, à comprendre l'importance des contes de fées".
"Pour paraphraser Bruno Bettelheim: les enfants savent qu'il s'agit d'accomplissements symboliques. Seuls les adultes se méfient des contes par peur qu'ils soient pris comme modèles dans la vie réelle", précise Lou Lubie.
D'autre part, il ne faut pas oublier que "la morale d'un conte varie d'un auteur à l'autre", ponctue-t-elle.
"C'est Perrault qui écrit, dans Le Petit Chaperon rouge, que les filles qui s'éloignent du chemin seront mangées par le loup, est en fait une morale vertueuse. Chez les Grimm, la fin est très différente: le Petit Chaperon rouge est finalement sauvé par un chasseur – une figure masculine paternelle. Mais dans les versions d'origine, transmises à l'oral, le Petit Chaperon rouge s'en sortait toute seule grâce à son intelligence! On ne peut donc pas dire que le Petit Chaperon rouge en tant que conte type soit sexiste, ou moralisateur; par contre, certaines versions peuvent l'être."
"Il est important de continuer à les lire et les raconter, car il s'agit de notre patrimoine universel!", conclut Lou Lubie.
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