Présidentielle gambienne: pour Adama Barrow, c’est le temps de l’émancipation politique

Pour l’ex-agent immobilier de 56 ans, un second mandat comme Président de la République de la Gambie est sorti des urnes à l’issue du tour unique de l’élection présidentielle du 4 décembre. Après cinq ans de prises et de tumultes avec une partie de ses anciens alliés, Adama Barrow est en passe de s’émanciper.
Sputnik
Le candidat sortant Adama Barrow, chef du Parti national du peuple (NPP), sera encore le Président de la Gambie pour les cinq prochaines années. Selon la Commission électorale indépendante, il a obtenu 53,2% des voix lors du tour unique de la présidentielle du samedi 4 décembre. Arrivé deuxième, l’opposant historique Ousainou Darboe est crédité de 27,7% des suffrages alors que Mamah Kandeh, soutenu par l’ancien Président en exil Yaya Jammeh, est en troisième position grâce à ses 12,3%. Les autres candidats Halifa Sallah (3,8%), Essa Mbaye Faal (2%) et Abdoulie Ebrima Jammeh (1%) sont loin derrière.

"Pour le moment, nous rejetons les résultats annoncés par la Commission électorale indépendante. […] Tous les moyens d’action sont sur la table, [mais nous appelons] tous les Gambiens à rester calmes et pacifiques pour le temps que vont durer les investigations", a réagi Ousainou Darboe devant la presse nationale et internationale aux côtés de ses alliés d’infortune.

De l’avis général des observateurs, cette élection historique en Gambie semble s’être bien déroulée dans l’ensemble, avec de la passion et de la tension, mais loin des scènes de violences qui pouvaient être redoutées. Dans cette logique et même si elle conteste les résultats de la Commission électorale, l’opposition évite de jeter de l’huile sur le feu.

"Cette élection gambienne a eu lieu dans le calme avec une campagne électorale menée dans la dignité, dans un climat de liberté auquel nous n’étions pas habitués. Au lendemain du scrutin, le chemin de la paix passe par la contestation des résultats uniquement auprès des juridictions chargées du règlement du contentieux électoral dans la sérénité. En cela, il faut saluer l’appel au calme de Darboe. Nous sommes vraiment optimistes, la culture démocratique est assez bien digérée en Gambie", a réagi Alioune Tine, président du think tank ouest-africain Afrikajom Center, interrogé par Sputnik.

Avec un taux de participation de près de 88% et 859.567 votants, cette présidentielle gambienne semble avoir résisté à l’OPA lancée par l’ex-Président Yaya Jammeh pour faire élire son allié, Mama Kandeh. Ce dernier, chef du Congrès démocratique de la Gambie (GDC), a dû se contenter d’une troisième place. Pour Alioune Tine, cet échec peut être analysé sous deux angles contradictoires.

"D’une part, et en attendant la proclamation des résultats définitifs, il y a une culture de la légitimité qui semble s’être exprimée au profit de celui qui exerce le pouvoir depuis cinq ans, en l’occurrence Adama Barrow. Ce phénomène a été cultivé par Jammeh lui-même et il joue contre lui aujourd’hui. D’autre part, c’est que toute la stratégie du Président Adama Barrow a consisté à faire du parti de Yaya Jammeh (Alliance patriotique pour la réorientation et la construction, APRC) une béquille au service de ses propres ambitions. Apparemment, ça a marché!"

Présidentielle en Gambie: entre l’ombre de Yahya Jammeh et le cas Barrow
Adama Barrow, ex-agent immobilier de 56 ans devenu Président de la République en 2016, était un ancien responsable anonyme du Parti démocratique unifié (UDP). C’est dans le cadre de la large coalition politique mise en place à cette époque par l’opposition gambienne pour faire partir Yaya Jammeh qu’il avait été désigné comme candidat unique, avec la bénédiction d’Ousainou Darbo, son mentor et chef de l’UDP. Mais à la pratique du pouvoir, il s’est séparé d’un grand nombre de ses compagnons de route pour tracer sa propre voie. Une déviation qui est vécue comme une "trahison", notamment des organisations de la société civile dont des membres ont beaucoup souffert des violences reprochées au régime de Jammeh.
L’opposant Ousainou Darboe (au milieu) conteste les résultats proclamés par la Commission électorale.
Nichée au cœur du Sénégal, la Gambie est un pays anglophone qui s’étend sur 10.700 km2 avec une population de 2,3 millions d’habitants. Membre à part entière de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), son PIB par habitant est de 746$ et l’espérance de vie y est de 61,7 ans. Le régime politique est de type présidentiel avec une vice-présidence. L’économie est dominée par l’agriculture et le commerce mais le tourisme occupe une bonne part de la population.
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