"Dans les médias, les seuls médecins qui osent remettre en question des décisions du gouvernement sont retraités. De peur d’être sanctionnés, les médecins qui pratiquent n’osent rien dire! Ça en dit long sur la liberté des médecins au Québec actuellement", fustige Patrick Provost.
Professeur et chercheur à la Faculté de médecine de l’Université Laval, à Québec, M. Provost dirige depuis vingt ans un laboratoire de recherche sur la biologie des ARN. Il y a mené des travaux de recherche sur l’ARN de plusieurs virus, parmi lesquels le VIH, l’hépatite C, Ebola et plus récemment le SARS-CoV-2, qui provoque la Covid-19.
Vaccination des enfants, sujet tabou?
Patrick Provost déplore le "climat de censure" qui empêcherait les chercheurs dans le domaine de la santé de prendre position sur les mesures sanitaires et autres décisions liées à la pandémie:
"Il est aberrant qu’aucune discussion n’ait eu lieu sur la vaccination des enfants, alors que la balance risques-bénéfices est clairement désavantageuse. C’est une loterie, puisqu’on ne connaît pas encore les effets secondaires à long terme […] On voit que les décisions sont souvent plus politiques que scientifiques", tonne le professeur au Département de microbiologie-infectiologie et immunologie de l’Université de Laval.
Le 29 novembre dernier, la direction cette même université a annoncé qu’elle se "dissociait entièrement" des propos tenus par l’un de ses professeurs de biologie, Nicolas Derome, au sujet des risques que pouvait selon lui représenter la vaccination des 5 à 11 ans. Aucune sanction n’a toutefois été annoncée à l’encontre du chercheur pour sa vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
"Ces propos ne reflètent d’aucune façon les positions de l’Université Laval et de sa Faculté des sciences et de génie quant à la crise sanitaire", a déclaré Andrée-Anne Stewart, porte-parole de cette institution.
Pour Patrick Provost, cette nouvelle affaire s’ajoute au retrait quelques heures après sa publication d’une lettre signée par le docteur René Lavigueur, parue le 26 octobre dernier dans le journal La Presse.
Un grand journal retire la lettre d’un médecin
Intitulée "Les dilemmes d’un médecin de famille en temps de pandémie", la lettre mettait l’accent sur l’importance du consentement libre et éclairé des patients pour recevoir un vaccin. Toutefois, elle contiendrait un certain nombre de fausses informations concernant la vaccination des enfants, selon une réplique parue deux jours plus tard. Un argument qui ne convainc guère notre interlocuteur, pour qui les experts qui critiquent certaines mesures font l’objet d’une bien plus grande vigilance de la part des médias que ceux qui soutiennent la politique sanitaire des autorités. Un exemple de deux poids, deux mesures?
"L’Université Laval va toujours se dissocier des opinions contraires de ses professeurs qui ne reflètent pas la politique officielle du gouvernement du Québec sur la pandémie. […] La plupart des médecins que l’on interroge répètent que le système de santé est sur le point de s’effondrer, mais la Covid est seulement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Blâmer une goutte au lieu de vider le vase n’a pas de sens", tranche Patrick Provost.
Fin juillet 2021, le journaliste Stéphan Bureau a été étrillé par l’ombudsman (médiateur chargé de recevoir les plaintes des citoyens) du réseau Radio-Canada pour avoir invité le médecin Didier Raoult à son émission Bien entendu.
La polémique Didier Raoult
L’ombudsman a estimé que le célèbre journaliste avait enfreint les normes et pratiques journalistiques en se montrant trop complaisant envers le directeur de l’IHU Méditerranée Infection. Une autre affaire illustrant le manque d’ouverture envers les points de vue divergents au Québec, estime le professeur Patrick Provost:
"Je ne suis pas une marionnette. Pourquoi ne parle-t-on pas à des chercheurs indépendants qui ne sont pas en situation de conflit d’intérêts? […] De quoi ont-ils vraiment peur, les scientifiques qui portent la parole du gouvernement? Si un argument évoqué par un collègue ne tient pas la route, ils ont juste à le contredire."
Le gouvernement québécois de François Legault a décrété l’état d’urgence sanitaire le 13 mars 2020 durant la première vague de la pandémie. Il n’a jamais été levé depuis, ce qui lui permet de contourner nombre de procédures à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a annoncé qu’il n’abandonnerait pas les pouvoirs exceptionnels qui lui sont confiés avant la fin de la vaccination des 5 à 11 ans, courant 2022.