"Ma démission vise à donner une impulsion positive à l’initiative du Président français Emmanuel Macron", a déclaré le ministre Georges Cordahi sur la chaîne libanaise al-Jadeed.
Macron, futur sauveur du Liban? Même si l’Élysée montre certains signes d’agacement face à la lenteur du gouvernement libanais dans la mise en place de réformes structurelles, Paris tente encore de recoller les morceaux entre Beyrouth et les pays du Golfe après la crise diplomatique qui les oppose depuis un mois. Le 29 octobre dernier, après que Georges Cordahi, ministre de l’Information, a qualifié la guerre au Yémen "d’absurde", l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït avaient renvoyé les diplomates libanais et rappelé leurs ambassadeurs du Liban.
Malgré les pressions internes et régionales, l’homme –honni par tout le Golfe– refusait de quitter son poste. Mais contre toute attente, Georges Cordahi a annoncé sa démission le 3 décembre. "Les Français ont exprimé le souhait de ma démission avant la visite du Président Macron en Arabie saoudite afin que cela contribue à l’ouverture d’un dialogue avec les responsables saoudiens sur le Liban", a-t-il poursuivi.
Pour Riyad, le Liban est à la botte du Hezbollah
En effet, lors du voyage d’Emmanuel Macron à Riyad et à Dubaï les 3 et 4 décembre, outre les juteux contrats de ventes d’armes, le Président de la République espère ramener les pays du golfe au chevet du Liban. "Il est important que les pays du Golfe […] puissent continuer d’avancer et d’aider le Liban, d’aider les Libanaises et les Libanais pour ce qui est de leur vie quotidienne, mais aussi de l’ouverture économique", a lancé Emmanuel Macron lors d’un point presse à Dubaï.
Mais depuis un mois, l’Arabie saoudite a annoncé l’arrêt de toutes les importations en provenance du Liban. Avec cette mesure de rétorsion, Beyrouth pouvait perdre environ 10% de ses exportations. Un manque à gagner qui atteindrait les 300 millions de dollars annuels. La plus grosse crainte demeure toutefois l’arrêt de l’envoi de devises étrangères par la diaspora. Près de 550.000 Libanais vivent dans le Golfe, dont 350.000 en Arabie saoudite. Ainsi, une rupture définitive avec les pays du Golfe serait la goutte d’eau qui ferait déborder le vase libanais. Le petit pays du Cèdre traverse une crise multidimensionnelle sans précédent.
Le forcing de Macron dans le Golfe
Mais, en dépit de la démission du ministre libanais de l’Information, ce bras de fer avec les pays du Golfe ne risque pas de s’arrêter du jour au lendemain. En juillet dernier, le tandem franco-américain avait déjà missionné leurs ambassadrices respectives au Liban afin de convaincre l’Arabie saoudite de revenir dans le dossier libanais. En effet, Anne Grillo et Dorothy Shea s’étaient rendues à Riyad pour infléchir la position saoudienne. Les trois pays avaient discuté "des moyens de soutenir le peuple libanais et d’aider à stabiliser l’économie".
Mais pour Riyad, rien n’y fait. Le contentieux, résultante du poids du Hezbollah au Liban, est plus profond. "Nous sommes parvenus à la conclusion que traiter avec le Liban et son gouvernement actuel n’est ni productif ni utile, en raison de la domination continue du Hezbollah sur la scène politique", a expliqué le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhane, lors d’une interview accordée à la chaîne américaine CNBC en novembre dernier. Dès 2016, Riyad avait commencé à prendre ses distances avec Beyrouth. Cette année, la monarchie saoudienne avait décidé de placer le mouvement chiite libanais sur la liste des organisations terroristes.
Puis les choses se sont envenimés avec la séquestration en novembre 2017de Saad Hariri, à l’époque Premier ministre libanais, jugé trop timoré à l’égard du Hezbollah. Malgré la médiation d’Emmanuel Macron, Riyad avait campé sur ses positions.
Quand Riyad étrangle l’économie libanaise
Une intransigeance lourde de conséquences pour l’économie libanaise. Les financements en provenance du Golfe se sont littéralement taris alors qu’entre 2003 et 2015, 76% des investissements directs étrangers au Liban provenaient des États du Golfe. Après la guerre contre Israël en 2006, l’Arabie saoudite et le Koweït avaient même versé plus de 2,5 milliards de dollars pour la reconstruction du pays. Riyad et ses alliés ont depuis tourné le dos à un Beyrouth jugé acquis à la cause iranienne. En 2016, le régime saoudien a suspendu un programme d’aide à l’armée libanaise d’un montant de trois milliards de dollars par peur que cette aide tombe entre les mains du parti de Dieu. Les modestes versements effectués lors des conférences en soutien au pays du Cèdre confirment cette tendance.
En avril dernier, l’Arabie saoudite a de surcroît interdit l’importation de produits agricoles libanais. L’annonce est intervenue après la découverte par les douanes saoudiennes d’une cargaison massive de Captagon, dissimulée dans des grenades (fruits) en provenance du Liban. Cette mesure visait à ostraciser le Hezbollah.
En dépit de la démission de Georges Cordahi, Macron aura du pain sur la planche pour convaincre le Golfe de revenir vers le Liban.