Province la plus occidentale du Canada, bordant l’Océan pacifique, la Colombie-Britannique est toujours sur le qui-vive, alors que de nouvelles pluies torrentielles viennent réduire l’espoir d’une sortie de crise.
Transports bloqués, carburant rationné
Depuis une quinzaine de jours, les habitants doivent composer avec de nombreuses routes et ponts fermés, puisque gravement endommagés. L’oléoduc Trans Mountain est à l’arrêt, or ce pipeline commande l’approvisionnement de l’ouest du pays en hydrocarbures, les Canadiens de plusieurs zones voient donc leur consommation d’essence limitée à trente litres par passage à la station-service.
Le transport ferroviaire est en partie suspendu et le gouvernement de Victoria vient de renouveler l’état d’urgence jusqu’au 14 décembre prochain.
"Si vous n’avez pas à aller sur la route, ne conduisez pas. Si vous avez seulement besoin d’un quart de réservoir, laissez le reste à la personne derrière vous. Si vous pouvez prendre les transports en commun ou travailler de chez vous, faites-le", a recommandé le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières de la province pacifique, Bruce Ralston, le 29 novembre.
Combiné au réchauffement climatique et aux aléas normaux de la météo, le "mauvais aménagement du territoire" semble la principale cause du désastre actuel, analyse Philippe Gachon, professeur de climatologie à l’université du Québec à Montréal et directeur du Réseau inondations intersectoriel du Québec (RIISQ).:
"Il faudrait que la pluie se transforme en neige. Ça commence à être extrêmement difficile pour les populations affectées. […] Dans la région, plusieurs lacs ont été transformés en zones agricoles, ce qui ajoute aux coupes à blanc comme facteurs. L’exposition et la vulnérabilité des gens face à ce genre de catastrophe ont été largement sous-estimées par les décideurs", déplore le climatologue.
Selon Philippe Gachon, la situation actuelle s’inscrit dans une longue série d’échecs à tous les échelons de gouvernements au Canada dans la prévention des différents types de catastrophes naturelles.
Impacts écologiques et économiques
"Il n’y a presque jamais de retour d’expérience entrepris par les gouvernements", déplore-t-il, estimant qu’on omet trop souvent de mettre en place des comités d’experts au lendemain des catastrophes afin d’anticiper les futurs scénarios comparables.
Les impacts ne sont pas seulement écologiques, mais aussi économiques, souligne le chercheur, dans un contexte où l’une des principales chaînes d’approvisionnement du Canada est rompue à l’approche de Noël:
"Nous voyons qu’une seule province peut compromettre l’économie du pays entier. Les communautés touchées se retrouvent isolées et le port de Vancouver accumule des marchandises qui ne peuvent être acheminées vers l’Est. […] Mais le pire, c’est que je doute fortement que le Canada tire les leçons de ces nouveaux événements", s’inquiète Philippe Gachon.
Le 26 novembre dernier, le Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, a annoncé la création d’un comité chargé de travailler à l’élaboration de solutions aux nouveaux enjeux climatiques en Colombie-Britannique.
L’aréopage se composera de ministres fédéraux et provinciaux ainsi que de leaders autochtones.
Des gouvernements sourds aux conseils des scientifiques?
Toutefois, cette instance devrait obtenir peu de résultats positifs selon Philippe Gachon, car les gouvernements provinciaux et Ottawa resteraient indifférents aux recommandations des scientifiques:
"Au Canada, les scientifiques ne sont jamais consultés par les décideurs. Dans son dernier plan sur le climat, Environnement Canada [le ministère de l’Environnement, ndlr] n’a consulté aucun universitaire. C’est scandaleux! C’est un manque de respect pour les universitaires qui doivent se résoudre à regarder les politiciens prendre des décisions douteuses. […] Il y a une absence de culture scientifique et d’anticipation qui est inacceptable pour un pays du G7", fulmine notre interlocuteur.
L’été dernier, peu de temps après une canicule historique, des incendies de forêt ont ravagé quelques centaines de milliers d’hectares dans les provinces de l’Ouest canadien, faisant craindre le pire pour les prochaines années. Des centaines d’habitants avaient dû être évacués. Comme quoi, au pays de l’Érable, les provinces de l’Ouest semblent appelées à devenir le centre névralgique des défis environnementaux.