Frédéric Pierucci a compté. Les entreprises françaises ont déboursé 14 milliards de dollars au Trésor américain depuis dix ans. Une somme colossale versée pour des infractions à différentes lois: embargos, sanctions ou encore lois anticorruption. L’ancien cadre supérieur d’Alstom en sait quelque chose. Inculpé aux États-Unis, il a passé vingt-cinq mois dans deux prisons de haute sécurité.
Otage économique, il a payé pour des pots-de-vin qui auraient été versés par son entreprise en Indonésie. À l’occasion de la publication de l’édition russe du Piège américain (Éd. Nouveaux Angles), il revient pour Sputnik sur ces pratiques.
"La plupart du temps, ça se finit par une grosse amende, mais dans certains cas, ça se conclut par un rachat de l’entreprise."
Alstom a vécu les deux scénarios. Au terme d’un accord, l’entreprise française s’est finalement acquittée en 2014 d’une amende de 772 millions de dollars. La même année, sa branche énergie était rachetée par son concurrent américain, General Electric. "La loi est détournée à des fins de guerre économique", dénonce Frédéric Pierucci.
S’il n’en veut pas personnellement aux États-Unis, Pierucci dénonce la "vassalisation juridique" des États soumis à l’impérialisme de Washington. Le pôle énergie d’Alstom fabriquait et entretenait "les turbines des 57 réacteurs nucléaires français". Sa vente s’est ainsi traduite par la perte d’une "partie de notre souveraineté": les centrales nucléaires françaises étant désormais "maintenues par une société étrangère". Une dépendance sur un "secteur aussi régalien" est "inacceptable", estime-t-il.
"Peu de temps après le rachat, GE avait menacé EDF d’arrêter de lui fournir des pièces de rechange pour ses centrales nucléaires. En gros, c’était une menace de mettre le pays dans le noir."
C’est la raison pour laquelle Pierucci se bat depuis quelques années pour que la France rachète ce secteur stratégique à GE. Cocorico! Paris est en passe d’y arriver. En septembre, EDF et la firme américaine officialisaient les négociations de reprise.