"Non", aujourd’hui la France n’a pas de "rapport normal" et "d’égalité d’humeur" avec le Royaume-Uni, expliquait Gérald Darmanin au micro de RMC le 29 novembre. C’est d’ailleurs pour cela que le ministre de l’Intérieur n’a pas invité son homologue britannique à la réunion des ministres de l’Intérieur européens pour traiter le problème des migrants à Calais. Mais aussi, car c’était une réunion "entre Européens" et que le Royaume-Uni a "décidé de partir" de l’Union européenne.
Paul Thomson, président des Conservateurs britanniques, estime toutefois le positionnement de Paris est politique avant d’être pratique.
"Je crois qu’il y a une hostilité marquée et profonde d’Emmanuel Macron parce qu’il ne supporte pas les gens qui ne partagent pas ses orientations idéologiques et il considère le Brexit comme impardonnable", explique-t-il au micro de Sputnik.
La crise migratoire qui a provoqué la mort de 31 migrants au large de Calais, en plus de celle des licences de pêche insuffisantes pour Paris, creuse tous les jours un peu plus le fossé entre la France et le Royaume-Uni. Et même si Gérald Darmanin a réaffirmé la volonté de son pays de "travailler" avec "ses amis britanniques" sur "un pied d’égalité", pour Paris, la responsabilité de cette crise incombe surtout à Londres. Notamment à travers des déclarations et des actes qui ne "rendent pas facile la collaboration".
"Nous demandons aux Anglais ce qu’ils demandent à l’Europe: Que chacun respecte ses engagements", a lancé l’occupant de la place Beauvau.
À savoir que l’Angleterre arrête d’utiliser les villes côtières des Hauts-de-France comme zone tampon, qu’elle facilite l’accès à la demande d’asile, qui ne peut se faire que sur le territoire britannique, mais aussi qu’elle réduise "l’attractivité économique" de son territoire. En effet, les migrants qui arrivent au Royaume-Uni n’ont pas besoin de carte d’identité pour travailler et payer des impôts, ce qui en fait un eldorado pour ces migrants.
La revanche de Macron sur le Brexit?
"L’attitude de l’État français est de vouloir punir le Royaume-Uni pour le Brexit. C’est quelque chose qui influe sur la crise que l’on connaît actuellement", estime le conservateur britannique. Celui-ci en veut pour preuve la différence des approches française et anglaise.
"La suggestion de rendre l’économie britannique moins attractive aux migrants n’est pas totalement dénuée de sens, on comprend d’où ça vient, mais il y a une véritable différence de culture politique entre nos deux pays. Ça ne se fera pas."
"Pas seulement en Angleterre, mais aussi dans les autres pays anglo-saxons, les cartes d’identité n’existent pas, car elles seraient considérées comme une intrusion de l’État dans la vie privée des citoyens. C’est ancré dans les esprits et ce n’est pas une question de droite ou de gauche", précise Paul Thomson. Les citoyens des pays en question disposent d’un passeport et d’une carte d’assurance maladie qui jouent le rôle de carte d’identité.
D’ailleurs, la législation britannique prévoit une peine de six mois de prison et une amende pour ceux surpris sans les documents requis au travail. En outre, le ministère de l’Intérieur peut saisir tout revenu que vous gagnez en travaillant illégalement.
Des milliers de migrants dans les Hauts-de-France
Pis, Priti Patel, l’homologue britannique de Gérald Darmanin, reste ferme. Ce qui ne facilite pas la tâche de la France. "Contrairement à Theresa May, l’équipe de Boris Johnson a beaucoup de répondant. Ils sont résolus à ne pas se laisser bousculer et à être combattifs s’il le faut", fait remarquer le conservateur britannique. Ce dernier appelle donc le gouvernement français à respecter les choix politiques de son homologue anglais et à travailler avec lui là où c’est possible.
"Dans une brouille, il y a souvent une part de responsabilité des deux côtés. C’est une question politique. Il ne s’agit pas de s’accuser les uns les autres, mais plutôt de savoir comment traiter la situation."
Pour l’heure, les seules mesures qui ont été prises pour tenter de résoudre cette crise l’ont été au niveau européen. Devraient ainsi être doublés les effectifs de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titres. L’avion de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et garde-côtes, sera finalement déployé au-dessus de la Manche afin de signaler aux autorités les embarcations de migrants. Deux hélicoptères viendront compléter ce dispositif. Finalement, Gérald Darmanin a précisé que les forces de l’ordre pourront bénéficier "d’images satellitaires" en temps réel.
Double discours britannique?
Environ 2.000 migrants se trouvent actuellement entre Dunkerque et Grande-Synthe. Certaines associations accusent l’État de les maltraiter, après la diffusion d’images de tentes de migrants lacérées. S’il réfute toute responsabilité de l’État dans cette affaire, Gérald Darmanin assume d’avoir fait interdire la distribution de repas dans le centre-ville de Calais. "Nous n’avons pas interdit les distributions de repas tout court", a fait valoir le ministre de l’Intérieur, avant d’ajouter: "La France a sa part d’humanité".
Avant d’inclure Londres dans des mesures communes, Gérald Darmanin attend toutefois que le gouvernement Johnson cesse de tenir "un double discours", accusant ses partenaires anglais d’être compréhensifs en privé et tout le contraire en public. Paris n’a notamment pas apprécié du tout une lettre de Boris Johnson appelant la France à reprendre tous les migrants arrivés clandestinement en Grande-Bretagne.
Les falaises blanches de Douvres n’ont jamais semblé aussi éloignées de celles de Calais.