Troisième dose: le nouveau variant peut-il faire vaciller la stratégie du gouvernement?

Alors que l’exécutif lance une campagne de rappel général, le nouveau variant d’Afrique australe pourrait bouleverser la donne. Pour le virologue Christopher Payan, réactualiser les vaccins en les adaptant aux souches dominantes est la seule solution
Sputnik
Après Alpha, Beta, Gamma, Delta ou encore Epsilon, une nouvelle souche du Covid-19 se répand dans le monde. Baptisé B.1.1.529, ce énième variant présente un nombre "extrêmement élevé" de mutations et "a un potentiel de propagation très rapide", a indiqué le virologue Tulio de Oliveira, lors d’une conférence de presse. Preuve que cette souche inquiète, à l’instar du Royaume-Uni, la France a annoncé la suspension des arrivées en provenance de sept pays d’Afrique australe "pour une durée minimale de 48 heures".
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Cette mutation fait d’ailleurs craindre aux scientifiques sud-africains que les vaccins actuels ne soient pas suffisamment efficaces. "Ce qui nous préoccupe, c’est que cette variante pourrait non seulement avoir une capacité de transmission accrue, mais aussi être capable de contourner certaines parties de notre système immunitaire", a détaillé le chercheur Richard Lessells. Or dans le cas d’une efficience moindre des vaccins contre le Covid, la volonté du gouvernement de rendre la dose de rappel obligatoire pose question.

"On ne va pas pouvoir continuer éternellement avec des doses qui correspondent à une souche qui ne circule plus en France. Les vaccins ont été faits sur une souche qui circulait en 2020, on arrive à la fin de 2021…", souligne au micro de Sputnik Christopher Payan, virologue au CHU de Brest.

Le professeur à la faculté de médecine de l’université de Bretagne occidentale estime que concernant la stratégie vaccinale, "il faudra qu’elle intègre la survenue de nouveaux variants dans la composition des vaccins".

L’efficacité des vaccins en chute libre?

À l’image de ce qui est fait dans le cas de la grippe: chaque année, "on met la nouvelle souche dans le vaccin", observe Christopher Payan. Sauf que du côté des laboratoires, l’heure ne semble pas être à la réactualisation de leurs sérums. Et pour cause, si Pfizer, AstraZeneca, Moderna et Johnson & Johnson mènent des essais cliniques pour tester de nouvelles formules, la commercialisation de ces nouvelles versions est loin d’être acquise, selon des informations de Libération.
Cette troisième dose pourrait-elle donc devenir caduque? "Plus on va avancer dans le temps, moins elle sera efficace", "on arrivera peut-être à ce moment-là à la quatrième dose", explique le virologue. Une possible perte d’efficacité qui a d’ailleurs poussé les laboratoires Pfizer et BioNTech à évaluer la résistance de leur sérum face au variant B.1.1.529. Les résultats de l’étude devrait arriver "au plus tard dans deux semaines", ont indiqué Pfizer/BioNTech.

"Ce n’est pas le tout de produire un taux d’anticorps, encore faut-il que ce soit des anticorps suffisamment efficaces", rappelle-t-il.

Néanmoins, Christopher Payan affirme que les bénéfices d’une troisième dose restent importants si le virus du Covid-19 "est fortement présent, qu’il circule beaucoup et qu’il y a de nombreuses hospitalisations".

Des rappels sans fin jusqu’à l’affaiblissement définitif du virus?

Il concède cependant que "ces doses à répétition" peuvent "lasser" les Français. Surtout si le gouvernement parle "de troisième, quatrième ou cinquième dose".

"Il faudra très probablement les présenter autrement. En expliquant que l’on fait ces doses de rappel, avec une nouvelle composition, afin de booster les anticorps face aux nouveaux variants. Les gens comprendront effectivement que s’ils veulent s’en prémunir, on sera contraint de passer par ces doses de rappel", avance le virologue.

Cependant, Christopher Payan précise que la stratégie de rappel pourrait ne pas durer ad vitam æternam. Selon lui, il est probable qu’"avec le temps et la survenue de nouveaux variants, on arrive à des souches de moins en moins agressives". "Et à partir de là, la question de la vaccination se posera différemment: on reviendra à une vaccination comme la grippe, en ciblant les populations les plus à risque", suggère le virologue.

"Mais tant que l’on n’est pas arrivé à ce stade, on n’a pas d’autre choix que d’avancer comme on l’a fait jusqu’à présent", conclut Christopher Payan.

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