Alors que des milliers de personnes ont manifesté samedi "pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles", à Paris et dans d'autres villes de France, à l'appel du collectif #NousToutes, Ghada Hatem, médecin et fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, a commandé à l'Institut CSA un sondage pour connaître l’opinion des Français envers le féminisme et les inégalités qui persistent malgré tout, relate le Journal du dimanche (JDD).
La militante féministe a voulu essayer "d'objectiver ce qu'on ressent tous et toutes: on a l'impression que les lignes bougent, que le mot ‘féminicide’ est entré dans le langage commun mais […] les chiffres des violences ne baissent pas", dit-elle.
Si les discours des pouvoirs publics ont vraiment changé, la situation réelle laisse à désirer, a montré l'étude, confirmant ainsi les suspicions de la militante. Ainsi, 68% des personnes interrogées se déclarent aujourd'hui féministes, soit 16 points de plus que lors d'un sondage précédent de 2016, réalisé pour la ministre Laurence Rossignol. Chez les hommes, les chiffres ont augmenté même plus que chez les femmes.
Un tableau pessimiste
Mais en réalité, le sondage révèle que les femmes sont toujours victimes de violences. 56% des sondées disent avoir été victimes de harcèlement sexuel et 15% de viol, contre les 10% habituellement retenus. Lors de la marche de samedi à Paris, les manifestants, femmes et hommes, ont en effet brandi des pancartes "Respecte mon non", "Mon corps, mon choix", "1 viol toutes les 7 min". Elle a réuni entre 50.000, selon les organisateurs, et 18.000 personnes, selon la préfecture.
D'après Nous toutes, environ 220.000 femmes sont annuellement victimes de violences et 94.000 sont victimes de viol. 101 ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année.
La question de l'inégalité des sexes
En outre, selon la nouvelle étude, les femmes ressentent toujours des inégalités, tant au travail, avec des salaires féminins inférieurs à ceux des hommes, qu'au foyer, où les tâches liées à la vie domestique ne sont pas essentiellement réparties d'égal à égal. Seulement 10% des femmes se sentent ainsi complètement les égales des hommes dans leur vie quotidienne, montre le sondage. À l’inverse, 62% des hommes n'ont pas le sentiment d'être mieux traités que les femmes.
Début novembre, un collectif féministe, Les Glorieuses, s'appuyant sur des statistiques européennes, a pour sa part constaté que l’écart de salaires "est de 16,5% en 2021, ce qui n’est pas rien. Autrement dit, à poste égal et compétences égales, une femme touche 16,5% de moins qu’un homme", a précisé la journaliste Manon Bougault sur France 3. "Depuis 2015, malgré les mesures mises en place par les responsables politiques pour mettre fin à l’inégalité de salaires entre les femmes et les hommes, les écarts persistent, et plus encore, se creusent", a écrit la chaîne.
Une pression sociale?
Les sondés de moins de 34 ans et les plus de 65 sont plus nombreux à partager la cause féministe que les générations médianes. En outre, ils sont 83% à penser que ladite cause doit être défendue tant par les femmes que par les hommes. Un effet considéré comme "une vraie évolution des consciences" par Julie Gaillot, directrice du pôle "society" de CSA. Elle a réalisé cette étude bénévolement.
Selon elle, le mot "féminisme" n'est plus tabou, comme il l'était il y a cinq ans. "C'est devenu un sujet de société qui nous concerne tous", ajoute l'analyste. Or, constatant dans le même temps des "paradoxes et ambiguïtés" dans les réponses, elle se demande s'il ne s'agit pas d'"une forme de pression sociale, une injonction à se déclarer féministe".