Après que les autorités de l’Ontario ont brûlé près de 5.000 livres, dont des BD d’Astérix, de Tintin et de Lucky Luke, une autre province canadienne se lance dans ce qui semble être une censure. Il s’agit du Conseil scolaire du district de Toronto (TDSB) qui a peur que Nadia Murad, auteure du livre "La dernière fille: mon histoire de captivité et mon combat contre l'État islamique*", puisse inculquer aux élèves l’islamophobie.
Tanya Lee, organisatrice depuis quatre ans d’un club de lecture pour adolescents, a expliqué au Globe and Mail que la surintendante de cette institution scolaire, Helen Fisher, lui avait annoncé avoir entendu que le livre favorisait l’islamophobie. Pour cette raison les élèves du district ne participeront pas à une rencontre en avril avec cette Irakienne de 28 ans qui avait été, pendant trois mois en 2014, l’esclave sexuelle des soldats de Daech*, avant de prendre la fuite et rejoindre l’Allemagne.
D’après Mme Lee, elle a envoyé un e-mail à Mme Fisher contenant des informations de la BBC et de CNN sur Daech*.
"C'est ce que signifie Daech*, c’est une organisation terroriste qui n’a rien à voir avec les musulmans ordinaires. Le TDSB devrait être conscient de la différence", a-t-elle écrit.
Or, Mme Fisher lui a renvoyé une copie de la politique du Conseil sur la sélection de matériel de lecture équitable, culturellement pertinent et adapté. Le porte-parole du TDSB, Ryan Bird, a finalement évoqué "un malentendu", car, selon lui, "le département chargé d’égalité n'examine et n'approuve pas les livres pour les clubs de lecture".
Une autre rencontre mise en question
La rencontre avec Nadia Murad, n’est pas le seul événement à n’avoir pas reçu le soutien du Conseil qui a annoncé en octobre à Mme Lee qu’il ne promouvrait pas la rencontre avec l'avocate Marie Henein, juriste ayant défendu en 2016 le musicien Jian Ghomeshi alors qu'il était accusé d'agression sexuelle.
Mme Henein précise que l'événement se voulait une conversation avec les étudiants sur son livre "Rien que la vérité" et son expérience. Elle regrette que le TDSB ait retiré son soutien "en raison de sa participation": " Il y a des mots pour ça. Le malentendu n’en fait pas partie".
Le Conseil, lui, dit être en train d’examiner les deux livres et a promis de finaliser dans les deux prochaines semaines un protocole sur de tels événements.
Censure au Canada
En septembre, Radio-Canada a annoncé que le Conseil scolaire catholique Providence, qui regroupe 30 établissements francophones de la province de l’Ontario, avait banni en 2019 des dizaines d’œuvres littéraires relatives aux peuples autochtones du pays. En conséquence, quelque 4.700 livres ont été retirés des bibliothèques. Pire encore, certaines BD dont Tintin en Amérique, Astérix et les indiens ou encore trois Lucky Luke ont été brûlées lors d’une cérémonie de "purification par la flamme". Le projet consistait à se servir, à titre de symbole, des cendres comme engrais pour planter des arbres, "un geste de réconciliation avec les Premières Nations".
*Organisation terroriste interdite en Russie