Il n’y a pas que sur les marchés financiers que la crise de l’énergie sème la zizanie. L’envolée des prix du gaz, qui pourrait ralentir la reprise économique selon la BCE, met aussi en péril certains artisans. Au large de Venise, les célèbres verreries de Murano sont ainsi prises dans la tourmente.
Les ateliers connaissent des difficultés à alimenter leurs fours. Le gaz représente en effet l’une de principales dépenses du secteur, comme l’explique à Sputnik Italia Luciano Gambaro, président du consortium Promovetro Murano.
"Pour nous, le gaz est indispensable: nous consommons des millions de mètres cubes, car nos fours doivent toujours être allumés 24h/24 et 7j/7 […] On est passé de 20 centimes d’euros le mètre cube en septembre à 90 cents le mètre cube en octobre […] Le gaz est trop cher, on risque de fermer", déclare ainsi le spécialiste.
Une situation "bien pire" que celle engendrée par la crise sanitaire, ajoute Luciano Gambaro, puisque les verreries avaient continué de tourner pendant la pandémie, même à régime réduit. Mais aujourd’hui, travailler s’avère presque "désavantageux" pour les souffleurs de verre.
Vendre plus cher ou fermer temporairement
La situation est d’autant plus paradoxale que les commandes ne manquent pas, à l’approche des fêtes de Noël. Si certaines verreries tentent de faire face, d’autres ont d’ores et déjà prévu de vendre leurs articles plus chers pour les fêtes, bien que ce ne soit sans doute pas la solution miracle.
"Dans un mois ou deux, nous serons certainement obligés d'augmenter le coût de nos produits, pour compenser la hausse du prix du gaz. Mais nous ne savons pas si cette augmentation nous permettra de continuer à travailler. Nous naviguons à vue", explique ainsi Luciano Gambaro à Sputnik Italia.
Des discussions sont en cours avec les autorités pour tenter d’alléger la facture énergétique. Mais les ateliers les plus touchés ont déjà décidé d’arrêter les frais et de fermer pour plusieurs semaines. Quitte à rouvrir début 2022.
"Actuellement, il y a une dizaine d'entreprises qui ont déjà éteint les fours. Ils ont décidé de fermer maintenant, pour pouvoir peut-être reprendre dans les premiers mois de l'année prochaine", précise le président du consortium de verriers.
Des fermetures qui ne profitent même pas à la concurrence étrangère, puisque le "verre de Murano" est une appellation spécifique, protégée par des lois régionales, qui ne peut donc être dupliquée ailleurs.
Au-delà des considérations économiques, les artisans craignent donc que la crise énergétique ne porte un coup à leur patrimoine unique, symbole de Venise et du Made in Italy. Le verre est en effet travaillé à Murano depuis plus de 1.000 ans. Les créations des maîtres souffleurs s’arrachent dans le monde entier.
Le gaz flambe encore
Depuis plusieurs semaines, l’Europe est confrontée à une flambée des prix du gaz, dans le sillage de la reprise post-pandémie et d’une demande asiatique accrue. Moscou a un temps été pointé du doigt pour influer sur les cours, bien qu’Emmanuel Macron ait lui-même admis qu’il n’y avait aucune preuve en ce sens.
Le Kremlin a pour sa part affirmé qu’il tiendrait ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens, dans le cadre des contrats à long terme. Vladimir Poutine a cependant reproché aux pays d’Europe de s’être trop tournés vers le marché spot, où les prix ont justement flambé.
Après une accalmie en début de mois, le cours du gaz est remonté en flèche ce 16 novembre, après la décision de Berlin de suspendre temporairement la certification de l’opérateur du gazoduc Nord Stream 2.