"Avec la médiation de la partie russe, un accord a été trouvé pour mettre fin aux tirs à la frontière orientale de l’Arménie", a fait savoir le ministère de la Défense arménien ce 16 novembre.
Sur fond de lutte territoriale pour le contrôle du Haut-Karabakh, les hostilités avec l’Azerbaïdjan avaient pourtant failli repartir de plus belle. Le 10 novembre 2020, la signature du cessez-le-feu avait mis fin à une guerre de trois mois et à une tuerie de près de 6.500 morts. Mais, depuis lors, les deux camps continuaient de se harceler sporadiquement de part et d’autre de la ligne de front.
Accord de coopération militaire russo-arménien
Officiellement, lors de diverses escarmouches, sept soldats azéris ont perdu la vie et dix autres ont été blessés. De son côté, l'Arménie a fait état d'un soldat tué, de vingt-quatre autres portés disparus et de treize prisonniers. Un bilan plutôt lourd pour des affrontements de quelques heures. En effet, les esprits ne se sont guère apaisés. Les deux ennemis se sont renforcés. Ils fourbissent leurs armes et s’entraînent sans relâche.
Au mois d’août, Erevan a signé avec Moscou un accord de coopération militaire dans le cadre d’un effort de mise à jour complète de son armée. "Depuis novembre 2020, nous avons reçu des armes de la Russie pour la modernisation et le réapprovisionnement de notre arsenal", déclarait au mois d’août le secrétaire du Conseil de sécurité arménien, Armen Grigorian. De nouvelles armes "de haute qualité" en lieu et place d’équipements désuets, précisait à Moscou le ministre arménien de la Défense, Arshak Karapetyan, au mois d’août.
Sans donner plus de détails sur la nature des achats prévus ou déjà effectués, l’exécutif arménien a prévenu ses ennemis: son armée se modernise.
Drones Bayraktar
Les troupes arméniennes avaient en effet énormément souffert de l’avantage technique dont jouissait l’Azerbaïdjan à l’automne 2020. Bakou, qui dispose de moyens militaires bien plus avancés du fait de sa manne pétrolière et du soutien militaire turc, s’était nanti d’armes israéliennes et turques dernier cri. Notamment des drones Bayraktar, qui se sont avérés déterminants dans la victoire azérie.
Lors de la guerre ouverte en 2020, l’Azerbaïdjan, qui achète également une partie de ses armes à la Russie, possédait 55 avions de combat, 94 hélicoptères et une vingtaine de drones, lui assurant la maîtrise du ciel. Au sol, Bakou possède 1.500 véhicules blindés (contre 600 pour l'Arménie) et 500 tanks (contre environ la moitié), selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.
En définitive, malgré sa volonté de se renforcer, l’Arménie reste vulnérable.
"Le rapport de forces était complètement inégal, et il continue de l’être", explique au micro de Sputnik Ara Toranian, journaliste et directeur du magazine "Les Nouvelles d’Arménie".
En effet, avec son demi-milliard de dollars de budget alloué à la Défense, l’Arménie peut difficilement tenir tête à son voisin, qui consacre 3,1 milliards de dollars aux mêmes postes, poursuit le journaliste arménien. Et cette inégalité se retrouve dans les dynamiques démographiques: 3 millions d’habitants en Arménie, contre 10 millions en Azerbaïdjan. "À cela s’ajoute le soutien turc, deuxième armée de l’Otan, à l’Azerbaïdjan, qui déséquilibre totalement ce rapport de forces", rappelle notre interlocuteur.
Guerre "à la vietnamienne"
D’autant que les alliés turciques ne chôment pas: Ankara et Bakou se sont joints au Pakistan pour des exercices militaires d’envergure. Nommées Trois Frères 2021, ces manœuvres se sont tenues en Azerbaïdjan au mois de septembre. Tout un symbole!
"Aujourd'hui, la coopération entre nos pays dans tous les domaines est au plus haut niveau. Des mesures importantes sont prises pour renforcer et développer nos relations afin d'assurer la sécurité de la région et des peuples", a expliqué le lieutenant-général Hikmat Mirzayev, commandant des Forces spéciales azerbaïdjanaises.
L’Arménie dispose bien du soutien régional de l’Iran et de la Russie qui dispose de bases militaires au sein du pays, mais comme cela s’est vu lors du conflit de 2020, ces acteurs affichent une neutralité quasi-parfaite.
Membres de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), comme d’autres anciennes républiques soviétiques, Moscou et Erevan ont signé un traité d'amitié, de coopération et de soutien mutuel le 29 août 1997. Garante d’une pax russica, Moscou ne souhaite pas intervenir directement dans les combats et favoriser un allié au détriment d’un autre.
De son côté, l’Iran, allié de longue date de l’Arménie, reste prudent dans ce conflit. En octobre 2020, Ali Akbar Velayati (proche conseiller aux affaires diplomatiques du Guide suprême, Ali Khamenei) avait sommé l’Arménie de quitter les territoires qu’elle a "occupés". Un requête formulée dans un entretien accordé au quotidien iranien Kayhan.
Ainsi, l’Arménie vit-elle dans la crainte d’un nouveau conflit ouvert. Face à une telle puissance de frappe sur sa frontière orientale, seule une mobilisation populaire de tout un pays pourrait inverser le rapport de forces, estime Ara Toranian.
"On peut imaginer que, à un moment donné, le peuple se mobilise vraiment, que des armes soient distribuées et que ça se transforme vraiment en guerre populaire contre l’Azerbaïdjan. Je ne suis pas stratège, mais, pour changer le rapport de forces, il faudrait changer le modèle", avance notre interlocuteur.
L’histoire nous enseigne que d’autres peuples l’ont déjà fait, note-t-il, avant de conclure: "Il faut le faire à la vietnamienne."