La correspondance diplomatique entre la Russie, la France et l’Allemagne consacrée à la tenue d’une réunion ministérielle au format Normandie a été rendue publique par Moscou qui dénonce une déformation de son opinion à ce sujet.
"La position de la Russie, son rôle dans le règlement des problèmes internes ukrainiens et les approches d'une éventuelle réunion ministérielle au format Normandie ont été déformés récemment. Afin d'éviter toute nouvelle spéculation, le ministère russe des Affaires étrangères a décidé de rendre publiques les sources primaires", a annoncé le ministère.
Le document de 28 pages contient la communication entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et ses homologues français et allemand, Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas.
Le projet de communiqué avancé par la Russie
Un projet de communiqué proposé par la Russie pour la réunion ministérielle au format Normandie, envisageait bien la tenue d’une réunion de suivi des dirigeants sur l'Ukraine, ressort-il de la correspondance publiée.
"Nous exprimons notre volonté de préparer des propositions convenues pour la tenue du prochain sommet afin de discuter des conditions politiques et de sécurité, y compris l'organisation d'élections locales", indique le projet de communiqué russe.
Berlin et Paris ont proposé en réponse leur projet de réunion qui devrait avoir pour but que "les dirigeants puissent +échanger leurs points de vue+ sur les questions dont ils sont convenus le 12 février 2015" à Minsk. Mais le ministre russe a soupçonné "qu'il s'agisse à nouveau d'une tentative de créer les conditions pour réviser radicalement l’ensemble des mesures [accords de Minsk, ndlr] au profit de Kiev, qui refuse officiellement et publiquement de les appliquer", ce qu’il a notamment écrit dans sa réponse.
Berlin et Paris contre le dialogue entre le Donbass et Kiev?
M.Lavrov a en outre insisté dans sa lettre à MM.Le Drian et Maas pour que cette réunion ministérielle soit bien préparée et notamment que les pays commencent à élaborer une déclaration finale conjointe détaillée avec des recommandations concrètes pour l'Ukraine, Donetsk et Lougansk. Il a accompagné sa lettre d'une version russe du document, invitant ses collègues à y apporter des commentaires et des modifications.
"Le texte contient également des dispositions qui ne trouveront certainement pas de soutien parmi les pays du format Normandie, notamment +l'établissement du dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk+", ont mis en valeur les ministres français et allemand des Affaires étrangères dans leur réponse.
Pour sa part, le ministre russe n’a pas caché sa déception d’un tel retour.
"Votre déclaration sur le rejet du dialogue direct entre Kiev, Donetsk et Lougansk discrédite l’écriture collaborative des dirigeants allemands et français sur le document du 12 février 2015 [les accords de Minsk, ndlr]", lit-on dans une lettre de M.Lavrov.
Moscou accusé d’avoir refusé la réunion
La Russie s’est récemment retrouvée sous le feu des accusations de la France et de l’Ukraine pour avoir décliné le 8 novembre une rencontre ministérielle au format Normandie. Jean-Yves Le Drian proposait de l'organiser le 11 novembre.
Pourtant, Sergueï Lavrov a expliqué son refus notamment par l’absence de réaction aux propositions de Moscou concernant le document final d'une telle réunion présentées le 29 octobre. Selon le ministre russe, Jean-Yves Le Drian lui a avoué à Rome ne pas avoir regardé les propositions envoyées à Paris.
Qui plus est, après que Berlin et Paris ont de nouveau insisté pour qu’une réunion soit tenue le 11 novembre malgré toutes les explications de la Russie, le ministre russe a jugé cette démarche de non diplomatique, voire impolie.
Format Normandie
Le format Normandie a été mis en place en juin 2014, lors d'une réunion semi-formelle organisée en marge des festivités consacrées au 70e anniversaire du Débarquement. Ce premier sommet a résulté dans les accords de Minsk destinés à trouver une solution pacifique au conflit en Ukraine.
Le 12 février 2015, les dirigeants de la France, de l'Allemagne, de l'Ukraine et de la Russie ont signé des accords de Minsk II. Kiev s’engageait à accorder un statut spécial aux régions de Donetsk et de Lougansk. Non contrôlées par Kiev, elles devaient obtenir ce statut après la tenue d’élections locales conformément aux lois ukrainiennes et sous le contrôle d’observateurs internationaux. Mais les élections n’ont jamais eu lieu et le statut spécial est resté lettre morte.
Le dernier sommet en date au format Normandie a eu lieu à Paris le 9 décembre 2019. Les parties se sont mises d'accord sur des mesures supplémentaires, mais un cessez-le-feu n'a pas été obtenu. Kiev n'a toujours pas mis en œuvre la "formule Steinmeier", qui définit le mécanisme de mise en œuvre progressive des accords de Minsk.