Le 17 septembre, Seriba, un Malien sans-papiers, était interpellé en bas de chez lui pour "outrage et rébellion", à en croire la préfecture de police de Paris. Mais une enquête publiée ce 14 novembre par Mediapart apporte une autre version des faits. D’après les images de la vidéosurveillance, il n’a pas été violent et a lui-même été tabassé par les forces de l’ordre. Une enquête a été ouverte par l’IGPN pour "violences par personnes dépositaires de l’autorité publique".
Le trentenaire fêtait son anniversaire dans la cour de son immeuble quand il a été interpellé.
"Ils m’ont dit: “les chiens comme toi, ils restent par terre”, “ferme ta gueule”, “t’es un rat”, “t’es une merde”. “Tu vas voir au commissariat, tu vas passer un très bon anniversaire”", raconte-t-il auprès du site.
Il a ensuite reçu un coup de Taser lorsqu’il était "immobile", selon lui et plusieurs autres témoins. L’usage de cette arme est limité à la légitime défense ou lorsqu’un individu s’oppose à son interpellation.
Une fois embarqué pour être emmené au commissariat, il aurait alors subi de nouvelles violences. "Dans la voiture, ils me remettent des décharges. Cette fois-ci, ils m’ont donné des coups de Taser au niveau de mes testicules. Après, ils m’ont tasé au niveau des genoux et des cuisses, puis j’ai reçu plusieurs coups de matraque", assure l’interpellé.
45 jours d’ITT
À son arrivée au commissariat de la porte de Clignancourt, dans le XVIIIe arrondissement, il aurait encore une fois été frappé par les policiers. "Ils se sont jetés sur moi et j’ai reçu des coups de poing et des coups de matraque jusqu’à ce qu’ils me déshabillent et me ramènent en caleçon dans une cellule de dégrisement", assure-t-il.
Placé en garde à vue, il fait un malaise dans sa cellule, ce qui a contraint les policiers à appeler les pompiers. Un médecin des UMJ (Unités médico-judiciaires) l’a examiné, son rapport a été publié par Mediapart. "Choc psychologique important", "contusion de la mâchoire", "lésions au niveau de l’aire cardiaque et des parties génitales compatibles avec des traces de Tazer [sic]", indique-t-il notamment. 45 jours d’ITT ont été prescrits.
Toutefois, un deuxième examen médical demandé par l’IGPN ramène le constat à seulement six jours d’ITT. L’avocat de Seriba, Me Arié Alimi, dénonce un examen bâclé. La version de la préfecture ne mentionnait aucune forme de violence de la part des policiers.
Interpellé après sa plainte
Autre fait relayé par Mediapart, le Malien a été de nouveau interpellé début octobre, alors qu’il venait de se rendre à l’IGPN pour porter plainte contre les policiers.
"Ils m’ont demandé ce que je faisais alors j’ai expliqué que je revenais de l’IGPN. Ils se sont tout de suite énervés en me disant que c’était à cause de “trous du cul” comme moi qu’ils avaient des problèmes", témoigne la victime.
La préfecture de police indique qu’il a été interpellé "pour détention de produits stupéfiants suivie d’outrage et de rébellion". Là encore, la version du prévenu diffère: "Dans la voiture, un policier a sorti un pochon d’herbe, en riant et en disant que j’étais déjà bien connu des services de police. Ils l’ont mis dans ma sacoche". Il sera jugé pour ces faits en février prochain.
Il reconnaît des "délits par le passé" mais affirme s’être "rangé". "J’ai une petite fille maintenant, je veux me tenir à carreau, mais ils me harcèlent".
Usage du Taser
En avril dernier, un cas similaire d’usage "sans aucun fondement" de Taser à Bobigny avait lancé une enquête de l’IGPN. Le policier qui a mené l’interpellation est désormais accusé de violences par personnes dépositaires de l’autorité publique, dénonciation calomnieuse, faux et usage de faux en écriture publique, car son procès-verbal ne faisait pas mention de violences.
En juin, un homme de 34 ans est décédé dans le Val-d’Oise après avoir été tasé deux fois lors de la procédure d’expulsion de son logement. Il a fait un arrêt cardiaque après avoir été touché au niveau du thorax. L’autopsie a par la suite confirmé sa mort par hémorragie interne. Il avait également été touché par une arme à feu au niveau de l’épaule.
Depuis que la clé d’étranglement a été interdite par l’ex-ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, l’usage du Taser l’a remplacée en tant que technique d’interpellation. Cette arme à impulsion électrique est toutefois jugée dangereuse par Amnesty International, laquelle ne souhaite pas la voir "faire partie de l’équipement de base des forces de l’ordre". L’ONG réclame que son utilisation soit limitée à des agents spécialisés uniquement et non comme une arme d’interpellation.
En France, une mort supplémentaire lui a été attribuée en 2019. Aux États-Unis, l’ONG a recensé 334 victimes entre 2001 et 2008. Depuis 2007, le comité de l’Onu contre la torture qualifie d’ailleurs son utilisation de "forme de torture" qui peut "même provoquer la mort".