Déboulonnée pour être restaurée à cause d’une fissure qui menaçait sa stabilité, une statue de Napoléon datant de 1865, qui se tenait sur la place de l'hôtel de ville de Rouen jusqu'à juillet 2020, ne cesse de défrayer la chronique. Ainsi, en juin, un petit trésor datant du Second Empire a été découvert dans un cylindre extrait du socle de la statue. Mais désormais des discussions plus vives s’animent autour de l'idée, avancée par le maire socialiste Nicolas Mayer-Rossignol, de la remplacer par une "figure de la lutte pour les droits des femmes", à savoir l’avocate Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020.
Depuis donc près d’un an, l'édile ne cesse d'assurer ses opposants sur les réseaux sociaux qu'il ne s'agit pas de "se séparer de la statue", dont la restauration coûte très cher, et que sa proposition faite "à titre personnel" n'avait rien à voir avec les déboulonnages de statues à travers le monde occidental qui font suite à la mort de George Floyd. Le maire promet que la population prendra une décision lors d’une consultation à la fin de l’année.
Mais son initiative a tout de suite donné lieu à plusieurs pétitions dénonçant une attaque contre l’histoire.
Indignation
Les politiques n'ont pas manqué de réagir, comme c’est le cas de Christian Estrosi, le maire de Nice, qui a proposé, en septembre 2020, de récupérer la statue pour l’installer dans sa ville. Le candidat à la primaire des Républicains pour l’élection présidentielle Éric Ciotti a également proposé, fin octobre 2021, de "récupérer la statue de Napoléon qui a été déboulonnée et de l'installer dans les Alpes-Maritimes". "Stop aux déconstructeurs et aux déboulonneurs", tempête-t-il. "Je suis le candidat d'un peuple qui refuse de disparaître, d'être effacé", a-t-il ajouté.
Nicolas Mayer-Rossignol n’a pas omis de lui répondre, rappelant une fois de plus qu’il s’agissait d’une restauration et non d'un retrait. "Que vous soyez aux abois pour grappiller trois voix ne vous autorise pas à dire n’importe quoi", a-t-il encore écrit.
Plusieurs historiens des Alpes-Maritimes se sont joints à cette lutte. De la même manière, à Paris, Éric Anceau, maître de conférences à la Sorbonne, fin octobre, a affirmé que la municipalité de Rouen "a perdu la trace" de la statue de l'empereur. Et de déplorer, sur son compte Twitter: "La dernière fois que des statues furent ôtées en France par idéologie (soi-disant but économique), c’était pendant l’Occupation allemande de 1940. Triste époque!"
Une "provocation inopportune"
L’historien Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, a déploré, dans une tribune dans Le Figaro, la "culture de l’annulation" importée du monde anglo-saxon "que par ailleurs ils exècrent à bien des égards". Pour lui, il s'agit d'une "provocation inopportune mais sûrement pas innocente". "Il serait facile de se demander en quoi Mesdames Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges ont rendu service à Rouen et à la Normandie pour mériter que leur effigie remplace celle d’un tel bienfaiteur de la ville", note encore l'auteur.
"Il faut se battre sans cesse contre l’effacement de notre passé", lui fait écho, dans un entretien avec Valeurs actuelles, Olivier Ghebali, délégué de l’association du Souvenir napoléonien dans les Alpes-Maritimes. "Déboulonner Napoléon, c’est un symbole gravissime, c’est une attaque purement idéologique contre l’histoire de France", ajoute Gaël Nofri, historien et président de l’Association pour la défense de la nation, cité par le média. Selon lui, "il ne s’agit pas d’avoir un regard passéiste, mais si nous avons honte de ce que nous avons été, il y a peu de chance qu’un jour nous soyons fiers de ce que nous devons être". Il n'approuve cependant pas l’idée d’un rapatriement de la statue à Nice.