Quelques semaines après le déroulement d’importants exercices militaires dans le nord du pays, en marge de tensions croissantes avec l’Azerbaïdjan, Téhéran remet le couvert au sud du pays avec les manœuvres Zolfaqar-1400, du nom du missile iranien éponyme et de sa portée (1.400 kilomètres).
Lancée le 7 novembre, l’opération couvre une zone allant des parties orientales du détroit d’Ormuz au nord de l’océan Indien et à certaines parties de la mer Rouge, a précisé la télévision d’État. Pour cet exercice d’envergure, l’armée iranienne a eu recours à l’infanterie, aux unités blindées, à des régiments mécanisés, à la marine, aux forces aériennes et à la défense aérienne.
"L’exercice militaire sur la côte iranienne du golfe d’Oman a pour but de montrer la puissance militaire du pays et sa volonté d’affronter nos ennemis", a déclaré à la télévision d’État l’amiral Mahmoud Mousavi.
Israël en ligne de mire
De quels ennemis Mahmoud Mousavi parle-t-il? Pour Gérard Vespierre, associé fondateur de "Strategic Conseils", société de conseil en géopolitique, chercheur associé à la Fondation d’Étude pour le Moyen-Orient (FEMO), ceux-ci sont nombreux, tant dans son voisinage immédiat que dans l’arène internationale.
"C’est d’abord évidemment lié aux négociations internationales sur le nucléaire et les tensions qui les entourent. C’est une manière de dire, “si on n’arrive pas à se mettre d’accord et qu’Israël a des velléités offensives, on est prêts”", explique-t-il.
La reprise des négociations sur un possible retour des États-Unis et de l’Iran dans l’accord sur le nucléaire iranien duquel est sorti Donald Trump en 2018, est en bonne voie. Elle est prévue pour le 29 novembre, après plusieurs mois d’extrême tension sur le sujet.
En voyant le dossier patauger, Jérusalem a pris ses précautions. Le ministre de la Défense Benny Gantz a annoncé en octobre avoir obtenu 1,5 milliard de dollars pour préparer une "potentielle" attaque contre les sites nucléaires iraniens. Auparavant, il avait ordonné à l’armée d’accélérer la mise au point de "plans opérationnels". Le Premier ministre israélien Bennett avait également tenu un discours particulièrement belliqueux à la tribune de l’Onu lors de l’assemblée générale en septembre, expliquant que "les mots ne peuvent pas arrêter les centrifugeuses."
Selon Gérard Vespierre, il est donc clair qu’à la vue de l’envergure des manœuvres, Téhéran a clairement affiché sa volonté de dissuasion à l’égard d’Israël. À la télévision d’État, le porte-parole de l’opération en question a prévenu que "l’histoire a montré que d’autres pays étrangers étaient complices de l’incitation à la guerre et de la déstabilisation de la sécurité dans la région de l’Asie occidentale."
Au niveau régional, Zolfaqar-1400 a également l’ambition d’envoyer un message aux ennemis de l’Iran chez le voisin irakien. Ces derniers mois, Téhéran a légèrement perdu pied politiquement sur le théâtre irakien. Lors des élections législatives du mois d’octobre, une coalition d’anciens chefs paramilitaires pro-Iran a enregistré un net revers, ne parvenant à recueillir qu’une dizaine de sièges, contre 48 auparavant.
Face aux États-Unis dans le détroit d’Ormuz
Il y aurait donc une volonté de réaffirmer que l’Iran "reste un acteur influent, au moins militairement", même s’il a récemment "perdu des points politiquement" à Bagdad, affirme Gérard Vespierre.
Ces manœuvres constituent également un signal envoyé à Washington, poursuit le chercheur. Pas plus tard que ce 4 novembre, les gardiens de la révolution assuraient avoir contré les États-Unis, qui auraient tenté de s’emparer d’un pétrolier chargé de combustible iranien. Les épisodes de ce type sont légion dans cette zone stratégique qui voit défiler environ un cinquième du pétrole consommé dans le monde.
Enfin, Zolfaqar-1400 "est aussi, dans une moindre mesure, un message destiné à l’intérieur."
"D’une part, ces exercices d’ampleur flattent le sentiment de fierté nationale sur lequel joue beaucoup le pouvoir. D’autre part, ceux-ci ont une fonction de dissuasion face à ceux qui, de l’intérieur, menacent le pouvoir", conclut-il.