La maladie a définitivement fait son lit au Cameroun. Pratiquement chaque année, une épidémie de choléra est détectée dans de nombreuses localités, et même dans les principales villes du pays que sont Douala et Yaoundé, faisant au passage de nombreuses victimes. Pourquoi?
"L’une des raisons de cette résurgence de l’épidémie peut être expliquée par le mouvement de la population, aussi bien national que transfrontalier. Cependant le choléra fait partie des maladies liées à l’indisponibilité et à la qualité de l’eau, à la mauvaise gestion des ressources hydriques, en même temps qu'aux faibles mesures d'hygiène. N'oublions pas que dans les villes comme Yaoundé, on fait face à la promiscuité, au manque d'assainissement et au difficile accès à l'eau potable. Ceci peut expliquer la résurgence des cas de choléra en pleine capitale", explique au micro de Sputnik Vanessa Tchatchouang, médecin épidémiologiste.
Dernière alerte en date, le 1er novembre quand Malachie Manaouda, le ministre de la Santé publique, a révélé dans un communiqué rendu public la réapparition de la maladie à Yaoundé, la capitale camerounaise, et dans la localité d'Ekondo Titi, région du Sud-Ouest anglophone, entre les 27 et 30 octobre 2021. Le ministre souligne qu'à cette date-là, la situation épidémiologique faisait état de 10 cas détectés dont 9 à Ekondo Titi et un à Yaoundé. Il invite par ailleurs les populations à faire "preuve de plus de prudence, en respectant les mesures de contrôle".
"Se laver systématiquement les mains avant et après les repas; laver les aliments crus avant de les consommer; s'assurer de la potabilisation de l'eau de boisson; se rendre au poste de santé le plus proche devant toute symptomatologie suspecte à type de diarrhée…", énumère le ministre de la Santé dans son communiqué.
"La maladie de la saleté"
Alors que le Cameroun est loin d’avoir vaincu l’épidémie de Covid-19, pour laquelle ont déjà été recensés 102 000 cas dont plus de 1.680 décès à la date du 3 novembre, les autorités sanitaires exhortent toutes et tous à respecter les mesures prescrites. Dans les principales villes du pays où les populations vivent dans une certaine promiscuité et où l’insalubrité rythme le quotidien des ménages, le choléra, qui se transmet par contact avec des aliments ou de l’eau souillés par des matières fécales, trouve un terreau propice à son expansion.
En mai 2020, la maladie a fait quatre victimes pour une vingtaine de cas enregistrés à Douala, la capitale économique. Plus tôt au mois de janvier 2020, de nombreuses contaminations avaient été signalées, notamment dans plusieurs arrondissements de la même ville. Au mois d'août 2020, dans tout le pays l’on dénombrait déjà plus de 14.000 détections, pour un total de 66 décès. Cette résurgence du choléra, souligne Vanessa Tchatchouang, "trahit tout simplement l’état d’insalubrité dans lequel nous baignons. Rappelons que le choléra est aussi appelé “maladie des mains sales”. Donc le subir avec une telle récurrence dans le pays devrait nous interpeller sur les règles élémentaires d’hygiène".
"Le choléra est très contagieux et tue très rapidement. Si on peut saluer les efforts du gouvernement dans la sensibilisation à la bonne hygiène, personnelle et alimentaire, la réalité est qu’au-delà des campagnes ponctuelles de vaccination et d’information sur la maladie, il faut des mesures plus efficaces comme l’approvisionnement des villes et campagnes en eau potable. Les laboratoires doivent contribuer à la surveillance de la qualité des aliments, des boissons et de l'eau qui circulent dans les principales villes. Il est difficile de respecter les mesures édictées sans eau (…) Il faut aussi renforcer la coordination de la surveillance épidémiologique afin de mettre en place des mesures de contrôles, de prévention pour une meilleure gestion de l’épidémie actuelle ", martèle l’épidémiologiste.
Les zones septentrionales, où les populations n’utilisent pas beaucoup les latrines, préférant déféquer à l’air libre, constituent les principaux foyers de l’épidémie. Depuis décembre 2018, dans la région du Nord, on a compté plus de 700 personnes infectées. Déjà sérieusement amoindrie par les attaques de Boko Haram, la région voisine de l’Extrême-Nord, la plus pauvre du Cameroun, présente également une situation sanitaire alarmante. Depuis juillet 2019, l’épidémie de choléra y a tué des dizaines de personnes et des centaines de cas suspects ont été comptabilisés. Selon la plateforme Choléra en Afrique de l’Ouest et centrale (une organisation de lutte contre cette maladie), la première épidémie de choléra à avoir été enregistrée au Cameroun remonte à l'année 1971. Depuis 1990, des épidémies importantes ont été enregistrées, notamment en 1991, 1996, 1998, 2004, 2010 et 2011. La tendance générale montre une augmentation annuelle du nombre de cas. Entre 2004 et 2016, la surveillance épidémiologique a notifié 50.007 personnes infectées avec 2.052 décès, soit le taux de létalité élevé de 4,1%. Les principales épidémies ont été enregistrées dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord, dans le sud du pays et dans la région du Littoral, qui abrite la ville de Douala.