Agressions contre les policiers: "Nous sommes dans une guerre de territoire"
Une nouvelle attaque contre un policier en civil met en exergue les nombreuses violences infligées aux forces de l’ordre. Une situation insoutenable pour les agents, qui attendent plus de sévérité de la justice. Notamment le syndicaliste Axel Ronde.
Sputnik"Le climat est très lourd en ce moment."
Secrétaire général du syndicat La Police en avant! Axel Ronde s’inquiète au micro de
Sputnik. Et pour cause, les agressions contre les forces de l’ordre se multiplient. Dernière en date, le soir du 2 novembre, un jeune fonctionnaire de police qui rentrait chez lui, habillé en civil, a été passé à tabac par quatre hommes et traité de "
sale flic de merde".
Quelques jours auparavant, à Savigny-le-Temple (77), dans un hall d’immeuble, réputé être un point de deal, une patrouille a découvert un "tableau de primes" incitant à s’attaquer à la police. Sur ce barème, on pouvait lire par exemple: "
Couper la tête d’un policier", 500.000 euros, ou encore "
jet de boules de pétanque sur la police", 200 euros. Toujours plus loin dans l’horreur, des "récompenses" étaient également prévues pour "
rentrer une géante barre de fer [sic] dans l’utérus d’une femme policière" ou "
raffaller [sic] à coup[s] de kalashnikov la police".
Des faits graves qui ont d’ailleurs poussé Gérald Darmanin à se rendre dans le commissariat de la ville pour exprimer son soutien aux forces de l’ordre.
La police visée à cause de sa lutte contre le trafic?
À l’instar du ministre de l’Intérieur, le syndicaliste estime que ces menaces répondent au combat mené contre le trafic de drogue. "Nous sommes très réactifs sur le territoire national concernant les stupéfiants, nous neutralisons plusieurs réseaux de points de drogues", fait valoir Axel Ronde.
"Depuis le 1er janvier 2021, 4.608 opérations visant au démantèlement de points de deal ont été menées sur l’ensemble du territoire", a indiqué Gérald Darmanin le 26 octobre. Par ailleurs, "1.335 trafics ont été démantelés contre 1.036 en août 2021, soit une hausse de 29%. 1.518 trafiquants ont été mis en cause en septembre 2021 contre 1.121 en août 2021", a précisé le pensionnaire de la place Beauvau. De bons résultats à mettre en perspective car lorsqu’un point de deal ferme, bien souvent "cela change simplement de cage d’escalier", expliquait à Sputnik le collectif Police contre la prohibition.
"Forcément, ces individus sont poussés à commettre des exactions, notamment en tendant des guets-apens pour nous occuper ailleurs. Ils veulent nous faire comprendre que c’est leur territoire. On est dans une guerre de territoire maintenant, nous sommes face à des groupuscules qui n’ont plus rien à perdre", poursuit Axel Ronde.
Or cette bataille contre les trafiquants fait des victimes. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, les agressions contre la police ont augmenté de 40% entre 2009 et 2019. Passant ainsi de 26.721 cas recensés à 37.431. En outre, Axel Ronde explique qu’il y a "de plus en plus de collègues qui se font suivre. En général c’est sur la route. Ils les prennent un peu en chasse." Un phénomène difficilement quantifiable, mais le syndicalise note "que, même si cela n’arrive pas tous les jours, c’est un peu plus fréquent ces derniers temps".
Des policiers sur le qui-vive
De tels agissements créent une ambiance pour le moins anxiogène, déplore Axel Ronde. Dorénavant, les forces de l’ordre sont sur leur garde: "Depuis l’attentat terroriste de Magnanville qui a touché deux de nos collègues, les fonctionnaires de police font très attention quand ils sortent des commissariats afin de voir s’ils sont suivis, s’il n’y a pas des gens autour", confie le syndicaliste.
Malgré ces précautions, les attaques de policiers en civil restent possibles. Alors comment les éviter? Pour notre interlocuteur, il faut impérativement mieux sécuriser les commissariats en les équipant, par exemple, de caméras extérieures pour les structures qui n’en disposent pas. Ou encore, en prévoyant des parkings à l’intérieur des commissariats afin d’éviter les agressions entre le lieu de travail et l’endroit où est garée leur voiture.
Néanmoins, comme l’explique Axel Ronde, "il va falloir aussi mettre en place des moyens de protections passifs" lorsque les agents rentrent chez eux, ou durant leur temps de repos. Notamment en les munissant "de bombes lacrymogènes, de matraques télescopiques", mais également en leur laissant "leur arme".Il plaide notamment pour un "modèle plus discret, car l’arme de service est très lourde, très encombrante. On risque de se faire repérer."
"On va être obligés d’être armés 24h/24, ça devient un petit peu inquiétant", regrette-t-il.
Reste que tous ces dispositifs ne pourront pas endiguer le "sentiment général d’impunité qui existe en France", consécutif aux "peines qui ne sont pas appliquées, où sont prononcées avec du sursis", estime le syndicaliste.
La faute au laxisme judiciaire?
"On voit bien que les policiers ne font plus peur", se désole-t-il.
"La réponse pénale doit être forte lorsque l’on attaque des fonctionnaires de police. Il faut que la justice ne soit pas défaillante, mais ferme, et qu’elle applique les peines maximales sur les individus qui nous attaqueraient alors que l’on rentre à nos domiciles. Il ne faut pas laisser passer ça, c’est impensable", plaide Axel Ronde.
Des doléances qui devraient être abordées lors des états généraux de la justice, lancés par Emmanuel Macron le 18 octobre à Poitiers et qui se tiendront jusqu’au 3 décembre.
"Il faut que la justice nous soutienne. On sait qu’elle est indépendante, mais il faut qu’elle comprenne qu’il y a un combat et que nous sommes les premières victimes puisque nous sommes blessés dans nos chairs quotidiennement pour assurer la protection des lois de la République", conclut notre intervenant.