Le partenariat stratégique algéro-russe commence à ouvrir de nouveaux espaces de coopération en dehors du domaine technico-militaire. En effet, le ministère algérien du Tourisme et de l’Artisanat a organisé un bivouac d’une semaine, entre le 22 et le 29 octobre, dans la région du Tassili n’Ajjer, dans le sud-est de l’Algérie, à pas mois de 32 voyagistes, journalistes, blogueurs et influenceurs dans le but de faire connaître aux touristes russes ce parc et musée néolithique naturel, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1982.
Classé également réserve de biosphère en 1986, le Tassili n’Ajjer, situé à la frontière avec la Libye et le Niger, abrite pas moins de 15.000 dessins et gravures rupestres répertoriés, soit l'un des plus grands groupes au monde. Le Tassili est également un lieu passionnant d'observation de la faune et de la flore désertique.
Le voyage proprement dit a été assuré par l’agence touristique algérienne Akar-Akar, qui fut fondée par feu Mokhtar Zounga, il y a maintenant 50 ans. La caravane, formée de pas moins de 20 voitures 4x4, a entamé le voyage en partant de la ville de Tamanrasset pour une expédition de reconnaissance avec d'anciens guides qui connaissent tous les terrains du parcours pour l’avoir réalisé eux-mêmes en caravane. Mohammed Zounga, l’actuel PDG d’Akar-Akar et fils de son fondateur, qui a tenu à s’enquérir personnellement du bon déroulement du voyage, était également de la partie.
"Carrément une autre planète"
Le parc du Tassili n’Ajjer, le deuxième plus grand parc du pays, s’étend sur une surface d’environ 138.000 kilomètres carrés avec une altitude qui varie entre 1.150 et 2.158 mètres. Il se compose d’un plateau de grès et d’une crête montagneuse volcanique. La flore du Tassili, qui s’étend du Sahara occidental jusqu’à la péninsule arabique, abrite quelques espèces de mammifères qui ont su s’adapter aux conditions extrêmes du désert: le mouflon à manchettes, les gazelles, le Goundi du Sahara, l’addax, le chat des sables ou le fouette-queue. Son climat est désertique et aride avec des températures moyennes qui varient entre 20 et 30°C l’été et entre 1 et 31°C l’hiver.
Du haut de ses falaises quasiment verticales, le Tassili n'Ajjer domine le désert de Djanet et s'étend à l'infini tel un océan calme et énigmatique. Il offre des paysages grandioses, toujours renouvelés, avec ses canyons, ses grands oueds, ses massifs de grès évoquant des villes mortes, des forêts de pierre, des châteaux fortifiés, et de grands espaces autrefois couverts de végétation.
Si cette région du sud algérien est considérée comme le plus grand musée à ciel ouvert du monde, c’est parce qu’en la traversant nous vivons un émerveillement de chaque instant où les journées se suivent sans jamais se ressembler.
Au milieu de la vallée de Tikoubaouine dominée par des falaises ciselées, des pitons surgissant et des dunes de sable aux couleurs contrastées, où la caravane s’apprêtait à passer la nuit à la belle étoile, Olga Semenova, journaliste à l'agence de presse Kamchatka (Extrême-Orient russe), nous livre un témoignage émouvant.
"Ce n’est ni la Terre, ni Mars, ni Vénus, mais carrément une autre planète. Au départ, nous croyions venir dans une région désertique où il n’y a strictement rien, et nous avons découvert un endroit fantastique où il y a absolument tout", affirme-t-elle au micro de Sputnik.
Une terre témoin d’une civilisation de milliers d’années
Les fresques et gravures répertoriées au Tassili n’Ajjer correspondent au début du Néolithique saharien, soit environ 10.000 ans avant J.-C. La grande faune sauvage est abondamment représentée dans ces fresques et gravures par des hippopotames, des éléphants, des rhinocéros, des girafes, des autruches, des antilopes, des ânes sauvages, des hyènes, des crocodiles, des poissons et des oiseaux aquatiques. Il y a également des bœufs qui immortalisent vraisemblablement le début de la domestication, étant donné qu’ils sont associés généralement à des représentations humaines.
Les peuples successifs qui ont habité cette région, il y a 10.000 ans jusqu’aux premiers siècles de notre ère, ont laissé beaucoup de traces archéologiques, des habitats, des tertres funéraires et des fermes, qui fournissaient des matériaux tels que la céramique et la pierre.
Ainsi, durant tout le trajet, le groupe de voyageurs russes a déambulé au milieu d’un patrimoine universel archéologique et géologique d’une valeur inestimable. Se rendre au Tassili n’Ajjer est une expérience visuelle et émotionnelle intense qu’on ne peut réellement comprendre qu’en la vivant soi-même. C’est également aller à la rencontre du peuple amazigh des Touaregs, gardien d’une culture et d’une langue ancestrales et très attaché à l’art de la belle parole et de la métaphore.
Dans une déclaration à Sputnik, Marina Akhtiamova, également journaliste chez Kamchatka Media, affirme avoir tout de suite accepté l’invitation du ministère algérien du Tourisme et de l’Artisanat en raison du trésor archéologique du Tassili.
"Quand j’ai pris connaissance du patrimoine du Tassili, j’ai tout de suite compris que c’était mon voyage attendu depuis longtemps", lance-t-elle. Et d’expliquer: "Imaginez que plus de 5.000 ans, des personnes, nos ancêtres, ont peuplé cette région et se sont donné la peine de s’asseoir pour dessiner et sculpter toutes ces fresques et gravures qui ont traversé l’histoire pour arriver à nous. C’est indescriptible comme émotion!"
Une discussion avec un archéologue
Le Sahara ne fut pas toujours un désert. Le Tassili n’Ajjer porte encore sur sa roche les traces étonnantes de la vie ancienne de plusieurs peuples de pasteurs. Certains d’entre eux furent certainement des artistes et c’est grâce à eux que nous connaissons aujourd’hui un des plus beaux ensembles de peintures et de gravures rupestres que l’on connaisse dans le monde. Ceci en plus des premières écritures de l’humanité en tifinagh.
Dans un entretien accordé à Sputnik, l’archéologue Mohammed Laid Semmadi fait un topo des différentes civilisations passées dans la région du Tassili n’Ajjer. Il explique comment les anciens habitants de ce vaste désert avaient organisé leurs vies et leurs sociétés et légué leur savoir-faire au nord de l’Afrique et au sud de l’Europe bien avant l’apparition des empires coloniaux: des Romains, jusqu’aux Turcs et les Français.
Pendant ce voyage dans le Tassili n’Ajjer, au milieu du Sahara algérien, la délégation était coupée du monde et a renoncé au confort de la vie moderne, comme les grands hôtels, le téléphone et l’Internet, pour s’imprégner de la vie ancestrale des Touaregs. En dehors des superbes paysages, le désert algérien c’est aussi beaucoup d’aspects culturels et historiques. C’est également un moment de rencontre avec soi, de repos et de remise en cause.
"Ce voyage m’a permis de me reconnecter à la nature, à l’histoire de la terre et de l’univers, mais également à l’histoire de nos ancêtres avec des sensations, des sentiments et des émotions que je souhaite à tout le monde de vivre", déclare à Sputnik l'agent touristique Tatiana, soulignant qu’"on y revient complètement reposé et changé".