C’est la fin d’une ère. L’attribution de la ligne Marseille – Nice à Transdev marque la fin du monopole de la SNCF et fait entrer la France de plain-pied dans l’ouverture à la concurrence. Le conseil régional a pris cette décision le 28 octobre. Elle laisse cependant l’exploitation des lignes Les Arcs/Draguignan – Vintimille, Nice – Tende et Cannes – Grasse à la SNCF.
Selon Challenges, ce contrat de 10 ans qui entrera en vigueur en juillet 2025 est estimé à 870 millions d’euros auxquels s’ajoutent 275 millions d’euros qui couvriront les frais de maintenance de la ligne et d’achat de 16 nouveaux trains. L’offre sur la ligne Marseille – Nice sera doublée, passant de 7 à 14 allers-retours quotidiens. Le magazine ajoute que les différentes offres proposées ont été jugées sur les services rendus aux usagers, la présence humaine à bord, le confort, la sécurité, et pas uniquement sur le critère financier. Il faut noter que les trois opérateurs qui étaient en lice pour l’obtention de ce lot étaient la SNCF, Transdev et la compagnie ferroviaire publique Trenitalia. Dans un tweet, la région assure que le trafic régional global sera augmenté de 75% d’ici 2025.
Concernant les tarifs, Transdev a promis de maintenir les mêmes tarifs qui sont pratiqués par la SNCF. Cependant, comme le souligne La Tribune, la région conserve la mainmise en matière de politique tarifaire puisque c’est elle qui subventionne le prix des billets avec pour conséquence des recettes qui couvrent 25% des charges.
Transdev, un opérateur suffisamment expérimenté?
Lorsque l’on regarde les activités de Transdev, on ne peut pas dire que le ferroviaire constitue l’activité phare de la compagnie. En effet, ils sont plutôt spécialisés dans les transports urbains si l’on en juge au premier abord les contrats d’exploitation en cours. Transdev est présente en France comme opérateur des réseaux urbains dans de nombreuses villes, dont celles de Nantes, Montpellier et Saint-Étienne. Transdev s’est également développée à l’international dans les années 1990 en s’implantant au Royaume-Uni à Londres et à Nottingham, en Australie et au Portugal, faisant de la société le premier exploitant mondial de tramway et un des opérateurs européens majeurs en matière de transport de voyageurs.
En ce qui concerne l’activité ferroviaire de l’entreprise, il s’agit d’une activité secondaire. La compagnie connaît un succès en Suède et en Allemagne. Elle propose ses services en Bavière, Basse-Saxe et Saxe, faisant d’elle le numéro deux derrière la Deutsche Bahn. Transdev s’est lancée malgré elle sur le marché français en 2011 en héritant des parts de Veolia Transport qu’elle avait rachetée quelques mois plus tôt. En effet, Veolia s’était associée en joint-venture avec Trenitalia pour créer Thello, une compagnie ferroviaire chargée d’assurer des liaisons nocturnes entre la France et l’Italie. Le 11 décembre 2011 est une date historique puisque le premier train de nuit entre Paris et Venise circule, mettant fin de fait au monopole de la SNCF sur les trajets internationaux en France.
Cependant, Transdev se désengage progressivement de Thello pour laisser la totalité des parts à Trenitalia en 2016, préférant faire la route seule afin de se consacrer au transport subventionné.
Il faut par ailleurs constater que Trenitalia, qui devrait revenir prochainement en France avec son offre de train à grande vitesse, avait déjà de l’ambition à l’époque. La compagnie publique italienne n’avait pas digéré que la SNCF vienne la concurrencer en Italie dès 2012 avec Italo, une compagnie offrant des services de train à grande vitesse montée en joint-venture avec Luca Di Montezemolo, l’ex-patron de la Scuderia Ferrari. La SNCF avait fini par jeter l’éponge en 2015 en vendant ses parts, faute de rentabilité.
En 2018, Transdev récupère via la CFTA (Société générale de chemins de fer et de transports automobiles) un contrat de sous-traitant de la part de la SNCF pour l’exploitation des lignes TER Guingamp – Carhaix et Guingamp – Paimpol.
Des réactions dubitatives
Les syndicats fustigent cette mesure qui selon eux va conduire à un démantèlement du service public.
"On fait exprès de le casser pour défendre la concurrence." Mathieu Inaudi, CFDT
Des syndicats qui ont par ailleurs manifesté leur mécontentement jeudi 28 octobre et hier devant le conseil régional contre cette décision.
Le Rassemblement national, parti d’opposition au sein du conseil régional, a quant à lui fustigé auprès de Ouest-France des "mises en concurrence précipitées". Le parti qui a voté contre cette délibération a ajouté que les mesures de sécurité promises par la région ne sont pas effectives.
Un internaute avait quant à lui fait remarquer, quelques semaines avant l’annonce officielle, le climat social régnant au sein de l’entreprise.
Quant à l’augmentation de l’offre de trains régionaux de 75%, un autre fait remarquer son incrédulité en se demandant si on va faire rouler les trains sur les autres.
Enfin, un autre utilisateur de Twitter dénonce une décision démagogique sur des promesses intenables. Il ne croit pas que le doublement du trafic se fera à coût égal et sous-entend que cela aura des répercussions sur le prix des billets.