Pass sanitaire prolongé: les élus "ont conforté la position d’Emmanuel Macron"
Les détracteurs du pass sanitaire espéraient qu’il ne survivrait pas à son passage au palais du Luxembourg. Les sénateurs se sont contentés de l’aménager. Une capitulation face au gouvernement?
Sputnik"Voter pour une adaptation d’un dispositif avec lequel fondamentalement on est en désaccord, c’est compliqué. Donc nous n’allions pas dire oui à cette seconde version du pass sanitaire", souligne le sénateur communiste Gérard Lahellec au micro de Sputnik
Dans la soirée du 28 octobre, le Sénat a
voté en première lecture le projet de loi "Vigilance sanitaire". Avec 158 voix pour (la majorité des groupes LR et centristes) contre 106. Mais dans une version pour le moins remaniée. En effet, si le texte adopté il y a quelques semaines par l’Assemblée nationale prévoyait une prorogation du pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, la Chambre haute du Parlement en a décidé autrement.
Sous l’impulsion de Philippe Bas (LR), rapporteur du texte en commission, les sénateurs ont fixé au 28 février le prolongement du pass, refusant ainsi de donner un " blanc-seing " au gouvernement. "
Trois mois et demi ça va, huit mois et demi c’est trop", a expliqué le rapporteur. Cette période reste néanmoins supérieure à celle que préconisait le
Conseil scientifique dans un avis, à savoir entre le 15 novembre et la fin de l’année 2021.
Le pass sanitaire en voie d'extinction?
Par ailleurs, le Sénat a également réduit la portée du dispositif. Le pass ne sera appliqué que dans les départements où le virus circule activement et dans ceux qui affichent moins de 80% vaccinés parmi les plus de 12 ans. Mais ces aménagements n’ont pas suffi à rassurer tous les sénateurs. À l’image de Loïc Hervé, centriste, qui s’est d’ailleurs alarmé de "l’accoutumance des Français d’accepter ce contrôle social sur la base d’éléments sanitaires".
Ou encore Alain Houpert, sénateur LR, qui a rappelé sur Twitter peu avant le vote que "le courage politique n’est pas de négocier l’application du pass sanitaire en pliant une nouvelle fois devant l’exécutif. C’est de mettre un terme à un dispositif politique qui n’a plus d’autre raison d’exister que de sanctionner les Français non vaccinés."
D’autant plus que ce taux de 80% sera atteint le 15 novembre dans l'ensemble des départements de métropole, selon la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie. Et pour cause, le nombre de personnes non vaccinées se réduit jour après jour. Au 27 octobre, 88,7% des Français éligibles ont reçu au moins une dose de vaccin, et 86,6% ont un schéma vaccinal complet.
Au-delà du
contexte épidémiologique et de la couverture vaccinale, Gérard Lahellec rappelle que son groupe parlementaire a voté contre le passeport vaccinal cet été. Notamment parce que ce laissez-passer contrevient au cadre légal du travail.
"Dès l’instant que vous dites à quelqu’un: “Vous ne pouvez plus exercer votre métier en raison de votre incapacité à fournir un pass sanitaire”, comment interpréter cette décision au regard des lois travail de 1973? Doit-on considérer que c’est une faute lourde? Une faute grave? Personne d’ailleurs n’a répondu clairement à cette question", regrette l’élu.
Des décisions qui ont pourtant des conséquences.
Un acte d’allégeance envers l’exécutif?
Au 20 octobre, 7.930 soignants étaient suspendus d’après Brigitte Bourguignon, ministre délégué à l'Autonomie. Par ailleurs, 2,7 millions de travailleurs (salariés des hôpitaux, cliniques et maisons de retraites, ou encore pompiers et ambulanciers) doivent attester d’un "schéma complet", sous peine de suspension de leur contrat de travail.
Pour les détracteurs du pass sanitaire, le vote de la Chambre haute du Parlement ressemble donc à un "acte d'allégeance envers le gouvernement".
"Le Sénat n’est plus représentatif de ce que l’on aurait pu espérer, c’est-à-dire être un lieu de réflexion, d’analyse", déplore au micro de Sputnik l’ancien sénateur UDI Yves Pozzo di Borgo. Or, comme il l’explique, ce choix pourrait avoir des conséquences électorales:
"Le Sénat, à majorité LR, a fait une faute majeure cet été lorsqu’il a voté le pass sanitaire: c’est une mesure liberticide terrible. Ils ont conforté la position d’Emmanuel Macron. Cela pourrait être un point fort de sa réélection", estime Yves Pozzo di Borgo.
Néanmoins, le Sénat a montré ses différences sur plusieurs points. En adoptant par exemple l’amendement porté par le sénateur LR Michel Savin qui supprime le pass sanitaire pour les moins de 18 ans lorsqu’ils pratiquent une activité sportive. En outre, ils ont également retiré du projet de loi la mesure controversée autorisant les directeurs d'établissements scolaires à avoir accès au statut vaccinal et virologique des élèves.
La semaine prochaine, députés et sénateurs vont devoir s’accorder sur une version commune du texte en commission mixte paritaire. Objectif: une promulgation le 15 novembre prochain, terme initialement prévu du dispositif. En cas d’échec, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Bref, rien ne garantit que les timides aménagements du Sénat survivront à la procédure…