1,5 milliard de dollars en vue d’obtenir "la neutralité carbone d’ici à 2060". À l’occasion du Middle East Green Initiative Summit (Sommet de l'initiative verte au Moyen-Orient), le prince héritier d’Arabie saoudite a présenté ce 25 octobre son plan d’avenir pour engager la région dans "une ère verte".
Aux côtés de dirigeants du Pakistan, du Qatar ainsi que de John Kerry, actuellement envoyé spécial américain pour le climat, Mohammed Ben Salmane (MBS) a détaillé sa vision du développement de l’économie circulaire. Celle-ci "consiste à éviter la consommation excessive, les déchets et l'utilisation de combustibles fossiles en louant, réutilisant, réparant et recyclant les matériaux et produits existants", selon les Nations unies.
Crise de l’eau en Arabie saoudite
Un "impératif" pour le royaume des Saoud, explique au micro de Sputnik Roland Lombardi, historien et analyste des problématiques géopolitiques liées au Moyen-Orient :
"L’Arabie saoudite à de gros problèmes environnementaux. En particulier, liés à l’eau. Ils ont des difficultés d’accès à l’eau et de recyclage des eaux usées. Il y a d’ailleurs des échanges discrets avec les Israéliens sur ce dossier."
En effet, dans ce pays désertique, les ressources hydriques sont quasi exclusivement souterraines. Pour suivre le rythme du développement saoudien, les nappes phréatiques ont été asséchées. Il y a cinq ans, le vice-ministre saoudien de l'Agriculture d’alors, Ali al-Takhees, lançait déjà l’alerte: "L'Arabie saoudite risque de subir une catastrophe si les pratiques agricoles ne changent pas. Il est impératif de préserver les eaux souterraines."
Avec moins de 60 mm de pluie par an (contre 550 mm en France), les ressources en eau douce y sont fragiles et non renouvelables. De fait, se tourner vers des économies plus circulaires, notamment dans le domaine agricole, viserait à s’assurer une forme d’indépendance au niveau des ressources. "C’est une politique pertinente, car elle est nécessaire", poursuit le spécialiste du Moyen-Orient.
Vision 2030
Néanmoins, au-delà de la variable écologique, les initiatives présentées par MBS au cours de ce sommet ont également une portée politique.
"C’est aussi une formidable opération de communication! Car on sait que l’environnement est la corde sensible chez les Occidentaux", explique Roland Lombardi.
Or MBS a très mauvaise presse aux États-Unis. Dans les couloirs de la Maison-Blanche particulièrement. Proche de la précédente Administration, le prince est considéré comme persona non grata par Biden et ses équipes. Lui est notamment reproché l’assassinat sauvage du journaliste Jamal Khashoggi et la "sale guerre" menée par son gouvernement au Yémen.
Conciliant et soucieux de se refaire une virginité, MBS a multiplié les gestes en direction de l’Administration démocrate. Depuis le 20 janvier 2021, date de prise de fonctions de Joe Biden, le Saoudien a entrepris d’importantes réformes juridiques, visant à rendre la justice plus indépendante. Il a également autorisé les femmes à vivre seules. Plus généralement, son plan Vision 2030, mené à coups de pétrodollars, entend libéraliser en douceur la société saoudienne. L’initiative d’un "Moyen-Orient vert", s’inscrit bien dans cette droite ligne, résume notre interlocuteur. D’autant que celle-ci ne concerne pas que l’Arabie saoudite et a une portée régionale.
Un million d'arbres plantés vers la fin de 2022
Le projet saoudien repose sur deux initiatives majeures. La première consiste à créer un fonds d’investissement lié au domaine de l’économie circulaire à faibles émissions de carbone. La seconde aura pour objectif d’identifier des solutions pour développer des énergies propres.
"Nous sommes réunis aujourd'hui à l'occasion de ce sommet afin d'unir nos forces et de coordonner nos efforts pour protéger l'environnement, faire face au changement climatique et élaborer une feuille de route visant à réduire les émissions de carbone dans la région de plus de 10% [...] et à planter 50 milliards d'arbres dans la région, grâce au plus grand programme de plantation d'arbres au monde, ce qui contribuera à atteindre 5 % de l'objectif mondial de reboisement", a résumé le prince héritier lors de son discours à Riyad.
Ces deux projets devraient coûter plus de 10 milliards de dollars. Riyad a annoncé pouvoir participer au financement à hauteur de 15% soit plus de 1,5 milliard de dollars.
Pour financer le reste de l’enveloppe, le jeune prince a affiché son ambition de vouloir attirer des fonds régionaux de différents pays. Certains États y semblent d’ailleurs sensibles:
"Dans le cadre du soutien qatari à l’initiative Green Middle East, nous visons la plantation d’un million d’arbres avant la Coupe du monde [en novembre] 2022. […] Au total, nous prévoyons de planter 10 millions d’arbres d’ici à 2030", a déclaré le porte-parole de l’émirat qatari lors du sommet.
Des dépenses astronomiques qui feront de ces pays désertiques du Golfe les leaders mondiaux en innovation écologique?