Une nouvelle étude suggère que les chasseurs d’ivoire ont pu enclencher un changement génétique chez les éléphants du Mozambique, où de plus en plus de femelles naissent sans défenses.
L’étude évoque dans ce contexte une éventuelle influence de la guerre civile dans le pays, de 1977 à 1992, qui a conduit à une flambée dramatique du braconnage, les éléphants étant tués non seulement pour leur ivoire mais aussi pour leur viande. Ainsi, les scientifiques constatent l’absence de défenses chez 33% des femelles nées après la fin du conflit armé, alors que leur nombre était de 18,5% avant la guerre.
Leur modélisation mathématique conclut que ce changement est le résultat de la pression exercée par les chasseurs, ce qui aurait modifié le génome de ces pachydermes pour donner moins naissance à des petites pourvues d’ivoire. L’étude précise que ce sont les éléphantes qui sont concernées et l’explique par le fait que la mutation s’effectuerait sur le chromosome X, dominant chez les femelles.
Dans ce contexte, la revue Nature rappelle que la chasse avait déjà été citée comme l’un des déclencheurs d'évolution dans le monde animal. Ainsi, la taille des cornes du mouflon canadien en Alberta a diminué de 20% sur 20 ans. En outre, certains scientifiques estiment que la pêche a réduit la taille de certaines espèces de poissons.
Toutefois, il est difficile de mesurer l'importance de la pression évolutive de la chasse face à d'autres facteurs environnementaux comme, par exemple, le changement climatique, a expliqué au média un scientifique de l'université de Victoria.
Conclusions précédentes
Il faut dire que le phénomène a été remarqué il y plusieurs années. Ainsi, le Times avait rapporté dès 2016 que les éléphants étaient de plus en plus nombreux à naître sans défenses sur le continent africain. Les chercheurs avaient également constaté que dans certaines zones géographiques, près de 98% des femelles étaient concernées contre seulement 6% il y a une dizaine d’années. L’association Elephant Voices avait elle aussi établi un lien entre la mutation et l’intensification du braconnage de l’ivoire durant les hostilités au Mozambique.
Cette modification physique avait aussi été décrite en 2005 sur des éléphants d’Asie. Un professeur à l’École normale de Pékin avait expliqué au China Daily que les pachydermes sans défenses avaient "moins de chances d’être tués par des braconniers, d’où la propagation du gène de l’absence de défenses dans l’espèce". Selon lui, de 5% à 10% des éléphants portaient un gène prévenant la formation des défenses, contre 2% à 5% dans une population "normale".
Sur la Liste rouge
Le 25 mars 2021, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé l’éléphant de forêt d’Afrique "En danger critique d’extinction" et son frère de savane d’Afrique "En danger" sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées. L’organisation souligne qu’"avant la présente mise à jour", les éléphants d’Afrique étaient considérés comme une seule espèce classée "Vulnérable".
L’Union relève une diminution importante du nombre de pachydermes sur l’ensemble du continent africain.
"Le nombre d’éléphants de forêt d'Afrique a chuté de plus de 86% sur une période de 31 ans, tandis que la population d’éléphants de savane d'Afrique a diminué d’au moins 60% au cours des 50 dernières années, selon les évaluations."
Elle constate également que les deux espèces ont connu de fortes diminutions depuis 2008 en raison d’une augmentation significative du braconnage, qui a atteint un pic en 2011, "mais continue de menacer les populations".