Alors que la Cour des comptes a sifflé la fin de la récréation concernant les fraudes à la Sécurité sociale, après une période de relative tolérance liée à l’épidémie, le magistrat Charles Prats, figure de la lutte contre ces arnaques, vient d’être mis sous surveillance.
Une enquête administrative a en effet été ouverte à son encontre par le ministre de la Justice, rapporte Libération. Le vice-président du tribunal judiciaire de Paris est soupçonné de n’avoir pas respecté son devoir de réserve. Les investigations se concentrent sur certaines déclarations et publications en ligne, au sujet de la fraude sociale et fiscale. Des sorties pouvant illustrer des "positions politiques", précise au Figaro une source proche du dossier.
Charles Prats avait déjà dû rendre des comptes à sa hiérarchie en février 2020, mais l’affaire avait été classée sans suite, souligne le quotidien de droite.
Cette enquête administrative est dénoncée par le principal intéressé, qui fustige des pressions politiques.
"Je suis la gentille victime d’une chasse aux sorcières […] J’ai reçu la lettre de mission de l’inspection, mais n’ai pas encore été entendu. Il s’agit visiblement de mon expression publique et de mon devoir de réserve", a ainsi déclaré Charles Prats à Libération.
Sur Twitter, le magistrat a souligné que son discours sur la fraude sociale dérangeait les autorités.
50 milliards de fraude par an?
Pourfendeur de la fraude sociale depuis plusieurs années, Charles Prats avait récemment envoyé un nouveau pavé dans la mare, affirmant dans son dernier livre que ces fraudes avoisinaient les 50 milliards d’euros chaque année.
L’estimation avait d’ailleurs été reprise par Éric Zemmour lors de son dernier débat avec Jean-Luc Mélenchon, sur BFM TV, entraînant une querelle de chiffres. Le service de fact-checking de la chaîne d’information avait en effet déclaré que seuls 1 milliard d’euros de fraudes avaient été détectés en 2019, s’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes. L’éditorialiste avait qualifié ce chiffre de "ridicule".
Charles Prats avait lui-même apporté son appui au polémiste, expliquant par la suite que les fact-checkers de BFM TV avaient confondu fraude détectée et fraude estimée. "Une erreur de débutant", avait déploré le magistrat sur Sud Radio.
En 2020, une commission d’enquête parlementaire avait bel et bien estimé que les fraudes sociales pouvaient s’élever jusqu’à 45 milliards d’euros chaque année, en fourchette haute.
"C’est l’estimation haute d’une fourchette que la commission d’enquête a elle-même retenue. Nous avons établi que la fraude sociale pouvait se situer dans une moyenne de 3 à 10% des prestations versées, soit entre 14 et 45 milliards", avait confirmé à BFM TC le rapporteur Pascal Brindeau, mi-septembre.
Des chiffres colossaux, qui ont d’ailleurs attiré l’attention de plusieurs présidentiables. Outre Éric Zemmour, pas encore candidat pour 2022, Michel Barnier a ainsi déclaré sur France info que la fraude sociale était un "problème à traiter". L’ancien commissaire européen propose notamment des vérifications biométriques et l’évolution des cartes vitales.