Prorogation du pass sanitaire: "l’arsenal législatif qui conviendrait à un pouvoir autoritaire"

Le projet loi "vigilance sanitaire" a été adopté par les députés. Celui-ci comprend la possibilité d’avoir recours au pass sanitaire jusqu’à l’été 2022. Michel Larive, député LFI, dénonce un texte "dramatiquement grave".
Sputnik

"Je ne sais s’ils sont conscients de la dérive qu’ils sont en train d’installer."

Le député LFI Michel Larive a le ton grave au micro de Sputnik. 135 voix pour et 125 contre: l’Assemblée nationale a finalement voté en faveur du projet de loi "vigilance sanitaire" par seulement 10 voix d’écart. "Depuis cinq ans, ils inscrivent des lois d’exception dans le droit commun", fustige Michel Larive. Dans cette loi, figure l’article 2 qui permet d’avoir recours au pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 si la situation épidémiologique le justifie.

La majorité à une voix du camouflet

Une éventualité vivement dénoncée par l’opposition de droite et de gauche. "C’est le pass sanitaire à vie", selon Marine Le Pen. Une loi "dramatiquement grave", assène le député LFI:

"Cela devient très inquiétant, c’est gravissime. Imaginons que l’on ait un pouvoir autoritaire, voire dictatorial, qui se mette en place, il a l’arsenal législatif qui lui conviendrait."

Signe des inquiétudes suscitées par la prorogation du QR code, cette disposition de loi a été votée sur le fil, avec 74 voix pour et 73 contre. "À une voix près, les marcheurs qui ne marchent pas aussi sûrement qu’hier ont failli buter sur le mur de la contestation de l’opposition", a déclaré Sébastien Jumel, député du parti communiste.
"Cela signifie qu’il a été adopté avec une représentativité très faible de la population, car, exceptés LREM, leurs supplétifs d’Agir ensemble et le Modem, tous les autres partis ont voté contre", déplore Michel Larive. D’autant plus que certains élus LREM, à l’image de Pacôme Rupin, député de Paris, sont opposés au pass. Selon lui, une utilisation jusqu’en juillet 2022 est "impensable". Il proposait donc de supprimer le 15 novembre (date de son échéance légale initialement prévue) cet outil "dangereux pour nos libertés". Le député LFI estime donc que "l’on est dans quelque chose qui est très loin du fonctionnement d’une démocratie normale".

"C’est-à-dire que vous avez un Conseil de Défense qui décide de tout et un gouvernement qui est chargé de faire appliquer la décision qui a été prise au plus haut chef. À partir de ce moment-là, les députés de la République en marche sont sommés d’exécuter l’ordre du chef suprême", avance le parlementaire.

Le gouvernement semble être quant à lui satisfait des résultats de ce dispositif: "Le pass, c’est 10 millions de vaccinés en plus, ce sont des milliers de personnes qui ne sont pas allées en réanimation, des centaines, voire des milliers de personnes qui ne sont pas décédées du Covid", a déclaré Olivier Véran. Or, l’exécutif craint également une dégradation de la situation sanitaire: "Si nous supprimons toute possibilité de recourir au pass sanitaire […], la seule alternative à une résurgence épidémique serait la fermeture des établissements ou le retour au confinement", a fait valoir Jean-Pierre Pont, rapporteur LREM de la loi.

Le pass sanitaire en phase avec la situation épidémiologique?

Une flambée des cas qui n’est pour l’instant pas encore d’actualité. Depuis mi-août en effet, le nombre de nouveaux cas positifs au Covid-19 n’a fait que diminuer, même si un léger frémissement est à noter. En une semaine, le taux d’incidence est passé de 43,7 à 48,5 pour 100.000 habitants, selon Santé Publique France. Le seuil d’alerte est quant à lui fixé à 50 pour 100.000 habitants.

"L’épidémie recommence à gagner du terrain. On parle d’un niveau très faible, mais il faut être vigilant", a ainsi alerté Gabriel Attal sur RTL.

Cependant, comme l’expliquait l’épidémiologiste Pascal Crépey sur France Info, "la remontée des incidences ne va pas signifier forcément une remontée du même type des hospitalisations, parce que la France est massivement vaccinée". Selon les données du site CovidTracker, 88,3% des Français éligibles (plus de 12 ans) ont reçu au moins une dose de vaccin, quand 86% d’entre eux ont leur schéma vaccinal complet. Alors, pourquoi faire voter la prolongation de ce laissez-passer sanitaire? Pour le député LR Philippe Gosselin, il s’agit "d’enjamber la représentation nationale parce que nous suspendons nos travaux le 28 février", mais "jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas la fin de notre mandat", a-t-il argué.

"On ne sait pas jusqu’où ira cette majorité pour bafouer les droits et libertés des citoyens, mais ça devient extrêmement compliqué et il est temps que cela s’arrête", tonne Michel Larive.

D’autant plus qu’un autre amendement adopté lui reste en travers de la gorge: l’accès au statut vaccinal des élèves donné aux chefs d’établissement du second degré. Pour le gouvernement, cette mesure est présentée comme un "outil de pilotage" de gestion de crise afin de laisser les classes ouvertes. Mais pour l’élu LFI, "on a une levée du secret médical qui a été entérinée". "C’est très grave pour notre démocratie, c’est un principe fondamental qui vient d’être bafoué", poursuit-il.
Ce projet de loi "vigilance sanitaire" sera examiné au Sénat à partir du 28 octobre. Nul doute que les débats devraient y être encore plus électriques.
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