Attentat à Damas: le spectre de la guerre hante toujours la Syrie

L’armée syrienne a été ciblée par un attentat en plein cœur de la capitale. La riposte fut immédiate avec un bombardement à Idlib. Alors que la Syrie cherche coûte que coûte à officialiser son grand retour, elle reste engluée dans une guerre larvée.
Sputnik
La Syrie est en deuil. Dans la matinée du 20 octobre, alors qu’un bus militaire transportait des soldats syriens, deux bombes ont explosé à son passage en plein cœur de Damas. Le bilan est lourd: l’attentat a fait plus de 14 morts et plusieurs blessés. Les artificiers de l’armée ont déminé un troisième engin explosif. La capitale syrienne renoue ainsi avec ses vieux démons. Depuis la reprise des derniers faubourgs en 2018, Damas était relativement épargnée. Il faut en effet remonter à mars 2017 pour voir une série d’attentats aussi sanglants.
L’attaque a été revendiquée par les Brigades Qasioun. L’organisation terroriste a indiqué sur les réseaux sociaux qu’elle poursuivrait ses opérations dans les zones contrôlées par le gouvernement en réponse aux "massacres quotidiens commis par le régime et ses milices dans le nord libéré" en référence à la dernière poche djihadiste d’Idlib. Le ministre adjoint syrien des Affaires étrangères et des Expatriés, Ayman Soussane, a pour sa part affirmé que la Syrie poursuivrait la lutte contre le terrorisme sur ses territoires jusqu’à l’élimination définitive de ce phénomène. Il a assuré que de tels actes n’entraveraient pas les efforts visant à consolider la stabilité du pays.

"Une guerre d’usure"

La réponse de Damas à l’attaque terroriste d’hier ne s’est pas fait attendre. Peu de temps après, l’aviation syrienne a ciblé la province d’Idlib dans le nord-ouest du pays. Ces événements montreraient que la guerre en Syrie est loin d’être terminée. "C’est une guerre d’usure. Aujourd’hui, c’est une question de temps avant l’opération à Idlib, peut-être dans les prochaines semaines ou prochains mois, mais tôt ou tard la bataille sera livrée", prédit Fahed, ancien militaire de l’armée syrienne et ancien otage des djihadistes durant le siège d’Alep en 2012-2013.
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La zone est encore principalement contrôlée par le groupe terroriste Hayat Tahrir el Cham*, issu du Front al-Nosra, également soutenu par Ankara. Via sa présence dans la région, la Turquie cherche à maintenir son influence en Syrie. Damas a à plusieurs reprises appelé l’État turc à quitter son territoire, estimant que la cause principale du problème d’Idlib est l’"occupation turque" et son soutien aux djihadistes. Malgré l’accord russo-turc pour la préservation du statu quo dans la province du nord ouest, Ankara préparerait le terrain. Le 21 octobre, la Turquie aurait fait rentrer un convoi comprenant des véhicules chargés d’armes, de munitions et de matériel logistique, rapporte l’agence de presse syrienne Sana.
Damas aussi ne l’entendrait pas de cette oreille.

"C’est un impératif pour la Syrie de récupérer cette région et il en va d’un intérêt surtout économique. Alep, la plus grande ville du nord, est coupée du littoral. L’autoroute M4 qui relie Alep à Lattaquié passe par Idlib", indique l’ancien militaire syrien.

Mais pour l’instant, le gouvernement syrien aurait d’autres priorités: "L’armée continue d’opérer à Deraa où elle ratisse. Elle surveille pour éviter que des cellules djihadistes ne se reforment", ajoute Fahed. Depuis la reprise de la province sud du pays le mois dernier, les soldats syriens ont commencé les missions de ratissage dans les villages environnants. Ils fouillent les habitations et traquent les derniers djihadistes dans la zone. "Le but est de pacifier entièrement le territoire", souligne-t-il.

Réintégration de la Syrie à pas comptés

Cette escalade des violences, le retour des attentats à Damas, les tensions palpables à Idlib contrastent avec la volonté du gouvernement syrien de tourner définitivement la page de la guerre civile. Depuis plusieurs mois, la Syrie est en passe d’officialiser son grand retour sur l’échiquier régional. Entre l’ouverture de la frontière avec la Jordanie, la participation à un projet gazier local, l’envoi de délégations à l’étranger et l’allègement progressif des pressions économiques américaines, tous les signaux sembleraient au vert.
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Même le roi de Jordanie Abdallah 2, ancien soutien de la rébellion syrienne, a fait volte-face. Le 3 octobre, au cours d’un entretien téléphonique avec Bachar el-Assad, le souverain hachémite l’a assuré "du soutien de la Jordanie aux efforts visant à préserver la souveraineté, la stabilité et l’unité territoriale de la Syrie". De surcroît, Mohamed Ben Zayed, prince héritier d’Abou Dhabi et homme fort des Émirats arabes unis, a discuté le 20 octobre avec le Président syrien pour renforcer les relations commerciales entre les deux pays.
"Aujourd’hui, on remarque que les choses sont en train de bouger avec nos voisins. Il y a un retour progressif du commerce avec la Jordanie avec l’Irak, les pays du Golfe comprennent qu’ils devront composer avec la Syrie de Bachar el-Assad", résume l’ancien militaire syrien.
Mais pour revoir véritablement la réintégration de la Syrie dans l’espace régional, il y a encore du ménage à faire.
*Organisation terroriste interdite en Russie.
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