Si au Cameroun, en date du 20 octobre, aucun texte ne rend obligatoire la vaccination contre le Covid-19, la tendance ces derniers jours semble démontrer le contraire. À coup de notes de service, de communiqués ou de descentes musclées dans les bureaux pour exiger la présentation d’un certificat de vaccination, certains services et administrations publics procèdent selon leur bon vouloir à l’imposition de la vaccination, excluant ainsi les non vaccinés. Une démarche qui constitue, souligne Me Christian Daniel Bissou, président de la Commission des droits de l’homme et des libertés du barreau du Cameroun, "une violation des droits humains".
"L'imposition du vaccin anti-Covid par certaines administrations publiques et par certains chefs d'établissement publics est une violation des droits humains (…). Ces différentes administrations n'ont absolument donc pas le droit d'imposer les vaccins, encore moins de procéder à de la discrimination contre des personnes qui ne sont pas vaccinées en les chassant des bureaux, en interdisant à un certain nombre de personnes d'avoir accès au service public. Cette démarche ne repose sur aucune base légale", souligne l’avocat au micro de Sputnik.
En effet de nombreux cas ont été enregistrés dans le pays et ont eu le mérite de provoquer un débat dans l’opinion. Début octobre, le gouverneur de la région de l’Est, Grégoire Mvongo, prenant prétexte de l’augmentation du nombre de contaminations dans sa localité, a dans un communiqué indiqué qu’il faudrait présenter, à partir du 11 octobre, un carnet de vaccination contre le Covid-19 ou les résultats d’un test négatif "datant de moins de 72 h"pour accéder aux locaux abritant les services publics et parapublics de sa circonscription.
Dans cette vidéo, le gouverneur de la région de l’Est Cameroun procède à une descente dans les services publics pour s’assurer de l’effectivité de sa décision.
La nécessité de légiférer
Dans la même veine, toujours début octobre, une note de service du Secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun prévient qu’au terme d’une campagne de vaccination organisée en interne, "l'accès au Palais de l'Unité ne sera permis qu'aux personnels vaccinés". Avant ces deux derniers cas, de nombreuses autres administrations publiques avaient auparavant pris des mesures similaires. Des démarches qui ont fini par faire réagir la Commission des droits de l’homme et des libertés du barreau du Cameroun. Dans une déclaration publiée le 15 octobre, Me Christian Daniel Bissou relevait déjà les problèmes posés par l’obligation du vaccin anti-Covid, notamment "celui du consentement libre éclairé et exprès de toute personne appelée à se soumettre au vaccin".
"Parce qu’il s’agit d’une atteinte grave aux libertés, le législateur -et le législateur seulement- a le pouvoir de déterminer le caractère obligatoire des vaccins pour des motifs de santé publique", a-t-il précisé dans sa déclaration.
Or, en l’absence d’un cadre législatif, "les personnes non vaccinées ne doivent pas subir de discriminations comme semblent l’indiquer les communiqués des administrations publiques".
Une démarche manifestement concertée de la part de l'administration camerounaise, donc, mais qui refuse de se traduire dans le cadre d'un texte instaurant l'obligation vaccinale en bonne et due forme. Selon Parfait Mbvoum, épidémiologiste, interviewé par Sputnik, il s'agit pour l'État camerounais de répondre à l'objectif de vacciner le plus grand nombre, "écoulant ainsi les stocks disponibles ", sans prendre le risque de faire face à une mobilisation d'envergure. Et pour cause, la réticence vaccinale est particulièrement forte au Cameroun, à l'instar d'autres pays d'Afrique subsaharienne.
La réticence au vaccin
Avec plus de 98.000 cas enregistrés pour plus de 1.500 décès à la date du 19 octobre, le Cameroun fait partie des pays les plus touchés de l’Afrique subsaharienne. Selon le rapport de la situation épidémiologique rendu public fin septembre, seules 130.000 personnes ont finalisé leur schéma vaccinal dans le pays depuis le lancement de la campagne en avril. Ce qui fait stagner le taux de couverture vaccinale de la population camerounaise à moins de 1% (0,9%).
D’après le même rapport, 382.459 personnes ont reçu au moins une dose de vaccin. Si au lancement de la campagne, les cibles étaient les personnels de santé et les personnes à risque, une nouvelle action plus intense et ouverte aux personnes âgées de plus de 18 ans a débuté le 7 juillet, sans grand succès.
Abreuvés aux débats télévisés focalisés sur les multiples controverses autour de l’efficacité et des potentiels effets secondaires des vaccins disponibles, beaucoup de Camerounais rechignent toujours à se faire vacciner. Une perplexité alimentée, notamment, par les propos de deux médecins français qui avaient suggéré d’expérimenter un vaccin contre le Covid-19 en Afrique lors d’une émission diffusée sur la chaîne LCI en avril 2020.