Au Canada, l’avion interdit aux non-vaccinés: "Ça complique encore plus les choses"

Ottawa a annoncé que les gens non vaccinés "adéquatement" ne pourraient plus quitter le territoire canadien par les airs. Une décision qui laisse présager une reprise encore plus difficile pour l’industrie aérienne au pays de l’Érable.
Sputnik
Le 30 novembre prochain, toutes les personnes qui veulent embarquer dans un avion sur le territoire canadien devront obligatoirement avoir déjà reçu deux doses de vaccins reconnus. La décision s’applique aux citoyens canadiens et même aux étrangers. Durant la dernière campagne électorale ayant mené à sa réélection, Justin Trudeau avait laissé entendre que la mesure ne s’appliquerait qu’aux trajets effectués par voie ferrée ou aérienne à l’intérieur du pays, mais sa portée a été étendue:
"Les exigences relatives à la vaccination s’appliqueront à tous les voyageurs âgés de 12 ans et plus qui sont des passagers aériens à bord de vols intérieurs, transfrontaliers ou internationaux au départ d’un aéroport canadien", a annoncé le ministère des Transports dans son communiqué.
Selon John Gradek, expert de l’industrie aérienne et chargé d’enseignement à l’université McGill, à Montréal, cette décision aura d’abord pour effet d’alourdir un processus d’embarquement déjà assez complexe. Un impact qui pourrait avoir un effet dissuasif pour la clientèle, dans un contexte où l’industrie canadienne peine à reprendre son envol.
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Encore plus de temps d’attente à prévoir aux aéroports canadiens

À titre d’exemple, en juillet 2019, soixante et onze destinations internationales étaient accessibles depuis l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal, alors que, en juillet dernier, il n’y était plus proposé que vingt-trois vols vers l’étranger, un chiffre passé à vingt-neuf depuis lors.
"Il y aura encore plus d’attente, car il y aura encore plus de modalités. On peut dire que ça complique encore plus les choses pour les passagers comme pour le personnel", souligne John Gradek à notre micro.
Le processus d’embarquement avait déjà été allongé et renforcé depuis la mise en place de nouvelles règles comme la présentation d’un test PCR négatif pour les voyageurs.
"Avec cette nouvelle règle, il faudrait au moins laisser tomber les tests PCR. […] Le but des passeports vaccinaux est d’éliminer les tests. Dans ce contexte, les coûts et les variétés de tests sont rendus incompréhensibles", tranche cet expert.
Autre son de cloche du côté de la direction d’Aéroports de Montréal, qui préfère, quant à elle, ne pas insister sur les impacts négatifs de la nouvelle mesure pour la reprise.

Aéroports de Montréal tout de même satisfait de la décision

Directrice des affaires corporatives et des relations avec les médias d’Aéroports de Montréal, Anne-Sophie Hamel souligne au contraire que son organisation "salue l’annonce du gouvernement":
"Cette exigence s’inscrit tout à fait dans la démarche entamée par notre organisation au début septembre, alors que nous avons fait savoir à nos employés et à nos partenaires qu’une vaccination adéquate serait exigée pour toute ressource étant en contact avec le public voyageur à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal", plaide Mme Hamel.
Selon les informations de la directrice des Affaires corporatives, rien ne laisse entrevoir que la levée des tests PCR est envisagée par Ottawa dans un futur prévisible:
"L’information diffusée pour le moment par Transports Canada et l’Agence de la santé publique du Canada indique qu’un test négatif sera toujours exigé pour toute personne désirant entrer au Canada", précise-t-elle dans son échange avec Sputnik.
Membre du Tribunal d'appel des transports du Canada, John Gradek estime que la vaccination obligatoire pour monter à bord d’un avion représente une étape supplémentaire vers la transformation de l’industrie aérienne à travers celle de ses marchés:
"Il y a une hausse des tarifs à prévoir, car les hommes et femmes d’affaires ne se déplaceront plus autant qu’auparavant. Durant la pandémie, plusieurs d’entre eux ont réalisé qu’ils n’avaient pas besoin de voyager autant. À partir du Canada, on verra donc surtout une reprise des vols touristiques, or les vacanciers dépensent en moyenne moins d’argent que les personnes en voyage d’affaires", analyse-t-il.
John Gradek considère aussi que l’interdiction d’embarquer non vacciné ne vise pas à freiner la contagion durant les vols, mais à prévenir les cas d’éclosion à l’arrivée et au retour des voyageurs sur la terre ferme. Le 29 janvier 2021, le Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, avait assuré que moins de 2% des cas de Covid-19 étaient liés "à des Canadiens qui reviennent au pays", ce qui ne l’avait pas empêché d’affirmer: "Même un cas, c'est un cas de trop."
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