Grèce: vers l’achat d’une quatrième frégate française?

Athènes hésite sur les corvettes Gowind. Le ministre de la Défense, Nikólaos Panayotópoulos, a laissé entendre que celles-ci n’étaient qu’une "alternative" à l’achat d’une quatrième frégate. Laquelle de ces armes renforcera la marine grecque?
Sputnik
Trois corvettes ou une frégate de plus? Tel est le dilemme des Grecs. L’info a été repérée dans la presse hellénique par La Tribune. Nikólaos Panayotópoulos, ministre de la Défense, a fait part ce week-end de son intention d’activer l’option portant sur une frégate de défense et d’intervention (FDI) "Belh@rra" supplémentaire. Les trois Gowind que Naval Group espérait également vendre à Athènes passeraient ainsi à la trappe. Ces corvettes n’étant considérées que comme une "alternative" à l’achat de la quatrième frégate, a précisé le membre du gouvernement grec.
Le 28 septembre dernier, en marge d’une visite du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, à Paris, une lettre d’intention était signée avec Naval Group, Thales et MBDA. Jackpot annoncé dans un premier temps pour les Français: 5 milliards d’euros, pour la livraison, d’ici à 2025, de trois FDI et de trois corvettes avec en option un bâtiment supplémentaire de chaque type. Finalement, seules les frégates de 4.500 tonnes feraient l’objet d’une commande ferme pour un montant de 3 milliards d’euros.

Gowind: une corvette armée comme une petite frégate

Avec 2.600 tonnes de déplacement, la corvette Gowind 2500 n’a pourtant pas à rougir face à sa grande sœur en cas d’engagement de haute intensité. Niveau options d’armement, il n’y a pas de grandes différences, à l’exception des systèmes de lancement verticaux.
Gabarit réduit oblige, les bâtiments de la classe Gowind ne peuvent pas accueillir de Sylver A50 (un acronyme pour "système de lancement vertical"), permettant d’expédier des missiles anti-aériens ASTER 30. Encore moins question, évidemment, d’y loger la version A70, adaptée aux tout nouveaux missiles de croisière (MdCN) de MBDA.
En lieu et place des dispositifs Sylver, la corvette de Naval Group est équipée de cellules verticales pour missiles surface-air de courte portée VL Mica. Sinon son équipement soutient la comparaison avec celui des frégates: des missiles antinavires Exocet MM40 Block 3 à l’indétrônable canon tourelle Oto-Melara de 76 mm, en passant par les canons Narwhal téléopérés de 20 mm, sans oublier les torpilles et l’hélicoptère embarqué.
Niveau coût, une corvette coûte deux fois moins cher à l’achat qu’une frégate. Même chose question entretien, avec un équipage restreint (65 à 85 hommes contre 125 pour une Belh@rra) et des infrastructures de taille plus réduite.

"Un bateau de type Gowind, pour les armées européennes, ne convient pas. Il n’est pas assez lourd, il n’est pas assez puissant", explique au mciro de Sputnik l’amiral Alain Coldefy. "Il convient bien à des marines qui se développent: la Gowind est un premier pas. Les Marocains, qui passent directement à la frégate multi-mission, peinent à former un équipage", poursuit-il.

En somme, économique et simple à construire tout en couvrant un large éventail de missions grâce à son armement, la Gowind est le navire idéal pour les jeunes marines côtières aux ambitions en devenir. Or ce n’est pas le cas de la flotte grecque, qui peut se targuer d’une solide expérience.
Les Grecs ont "toujours eu des frégates de grande qualité" et la frégate française est à "leur pointure" insiste notre interlocuteur, ex-pacha du Clémenceau, selon qui, "opérationnellement, on saute un pas avec la FDI".

Frégates Belh@rra: deux achetées, la troisième offerte

Notre intervenant souligne l’importance que revêt le tonnage pour des marines confrontées à un phénomène de réarmement global. Néanmoins, il serait réducteur de tout ramener à la taille des coques. En effet, la FDI proposée à la Grèce par Naval Group est un bijou technologique.
La Belh@rra, comme son nom le laisse entendre, tient compte de la dimension cyber. Grâce à ses serveurs embarqués et à son Cyber Management System (CyMS), le bâtiment français est présenté comme un "guerrier numérique" apte à répondre à des attaques informatiques. Un réel plus à l’heure où les systèmes de propulsion et d’armement des navires de guerre restent particulièrement vulnérables à cette menace.

"Auparavant, les bateaux de guerre étaient conçus pour résister aux avaries de combat. Par exemple, pour la barre, sur tous les bâtiments de combat du monde, il y a deux systèmes totalement indépendants. Là, on a pris en compte que, à partir d’une tablette à terre, il est possible de faire tourner le bateau en rond", développe l’amiral Coldefy.

Autre argument de poids militant pour l’acquisition par les Grecs d’une quatrième Belh@rra: la ristourne concédée par les Français. Comme l’explique au cours de son interview le ministre grec, Athènes avait négocié en juillet deux Belh@rra pour 3,3 milliards d’euros. Entre-temps la contre-proposition de l’Américain Lockheed-Martin a rebattu les cartes. Aujourd’hui, les Grecs obtiennent donc une frégate française de plus pour un prix total légèrement moins élevé. Dans de telles conditions, pourquoi s’en priver?
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