Durant plus de 6 heures, lundi 4 octobre, le monde entier n’a pu accéder à Facebook, à son service Messenger ainsi qu’à ses acquisitions Instagram et WhatsApp. Privant ainsi plusieurs millions d’utilisateurs de la possibilité d’"aimer" et de "partager" des publications, voire de communiquer. "
Panne mondiale de Facebook: j’ai eu un moment de panique", titrait même le quotidien
Sud-Ouest.
Un
bug massif et historique donc, dévoilant les conséquences de la situation quasi monopolistique des Gafam. Hégémoniques au niveau technologique, ces multinationales ont acquis, par leur contrôle de la circulation de l’info, un pouvoir politique démesuré. Jusqu’à pouvoir, dans le cas de Facebook, bannir pour une durée de deux ans Donald Trump, ancien Président de la première puissance mondiale. Ou tout simplement participer à la propagation de thèses conspirationnistes et
autres "fake news".
En juin dernier, lors d’une journée intitulée: "
Hey les Gafam ! Main basse sur l’info, l’économie, les présidentielles?", Arnaud Montebourg plaidait notamment pour le développement de
champions technologiques européens. "
Comment briser une domination sans créer d’alternatives? Il faut mobiliser les ressources financières nécessaires en France pour garder nos meilleurs talents", militait le candidat à l’élection présidentielle.
Une fausse bonne idée? Créer des champions nationaux serait voué à l’échec, à en croire le délégué numérique de République souveraine:
Et notre interlocuteur d’estimer plus efficace d’agir sur les filiales de ces géants du numérique:
Une piste déjà expérimentée dans certains pays: "Dans les États où c’est obligatoire, comme en Inde par exemple, ils s’adaptent", avance-t-il. "Si vous leur dites de mettre des conseils d’administration français, ils le feront, cela marche toujours. C’est simplement qu’aujourd’hui, s’ils ont une solution pour faire autrement, ils le font", observe Pedro Guanaes.
Et parmi ces solutions, il y a celle de créer des structures commerciales dans les pays où ils développent leur activité et d’installer leur siège social dans un autre. À l’image de l’Irlande et sa fiscalité avantageuse par exemple. Or cette pratique permise au sein de l’Union européenne doit cesser, estime Pedro Guanaes: "Soit on est un comptoir de transit pour ces multinationales, soit on est un pays où ces gens opèrent. C’est un choix de société et il faudra en tirer toutes les conséquences: à savoir la sortie de l’UE, si nécessaire."
Si le responsable numérique plaide donc en faveur d’un changement radical des modes de prise de décision de ces multinationales, il n’en oublie pas moins ce qui fait la richesse de ces dernières: les données personnelles. Un scandale comme celui de la firme
Cambridge Analytica en 2018, accusée d’avoir exploité les données de 87 millions utilisateurs Facebook à des fins de propagande pro-Trump et pro-Brexit, démontre l’importance de ces informations. "
C’est un des enjeux de la souveraineté numérique", prévient le militant de République souveraine.
Donald Trump avait d’ailleurs entrepris de
bannir du sol américain l’application vidéo chinoise TikTok. Les États-Unis voulaient s’assurer le contrôle des données personnelles de ses concitoyens. L’ancien président US avait alors signé un décret visant à pousser ByteDance à céder toutes ses parts relevant de ses activés américaines au nom de la "
sécurité nationale".
Reste les utilisateurs et "leur dépendance à ces outils", explique Pedro Guanaes. Un phénomène trop puissant pour les États? En témoignent les plus de 10 millions de rapports d’incidents qui ont été envoyés par les internautes à Facebook durant la panne.
La lanceuse d’alerte Frances Haugen a d’ailleurs livré un témoignage accablant contre Facebook devant le Sénat américain le 6 octobre dernier. Cet ancien membre d’une équipe dédiée à l’intégrité civique au sein de la multinationale a ainsi appelé le Congrès américain à renforcer la régulation de Facebook. Et pour cause, elle a notamment accusé la firme de pousser les adolescents à utiliser toujours plus ses plateformes, au risque de provoquer une addiction.
Des
accusations réfutées par Mark Zuckerberg. Selon ce dernier, "
Facebook n’a pas privilégié ses profits au détriment de la sécurité". Une défense qui ne convainc guère Pedro Guanaes: "
On sait que pour eux, le contenu haineux fait réagir les gens, qu’ils soient d’accord ou non, et le fait qu’ils réagissent davantage font qu’ils passent plus de temps sur la plateforme, ils peuvent vendre plus de pub."