Escalade entre la France et l’Algérie: Rachid Nekkaz regrette "l’instrumentalisation des mémoires"

Depuis Rome, le chef de la diplomatie algérienne s’est à nouveau emporté contre Paris. La crise diplomatique sur fond de "rente mémorielle" se creuse entre Paris et Alger. Au micro de Sputnik, le politicien algérien Rachid Nekkaz appelle au calme.
Sputnik
La crise diplomatique entre l’Algérie et la France ne désenfle pas. En déplacement à Rome ce 7 octobre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s’en est de nouveau pris au gouvernement français.
"Tous les partenaires, notamment la France, doivent comprendre que l’Algérie ne permettra aucune ingérence dans ses affaires intérieures. Nous répondons donc fermement aux propos des autorités françaises que nous considérons comme inacceptables", a pesté le diplomate.
Après avoir rappelé son ambassadeur en France et fermé son espace aérien aux avions militaires français, la diplomatie algérienne en rajoute ainsi une couche. Emmanuel Macron avait vilipendé la "rente mémorielle" sur laquelle vivrait "le système politico-militaire" algérien.

L’Algérie et la France en crise "jusqu’à l’élection présidentielle"?

Face à cette situation qui semble stagner, Rachid Nekkaz, ancien candidat à la Présidentielle algérienne se présentant comme "hors système", qui a passé la majeure partie de sa vie sur le sol français et partage cette double culture, lance au micro de Sputnik un appel au calme.
"Il ne faut pas laisser ces tensions prendre une dimension qui n’est ni souhaitable pour l’Algérie ni pour la France", prévient-il.
Et d’ajouter: "il y a cinq millions d’Algériens en France. De plus, il y a des relations économiques très importantes entre les deux pays." En effet, la France est le "deuxième fournisseur de l’Algérie (après la Chine) avec une part de marché stable depuis 2015 à environ 10%", rappelle le Trésor français. De son côté, l’Algérie est le quatrième fournisseur de pétrole et le quatrième fournisseur de gaz naturel de la France.
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Il serait donc préjudiciable pour toutes les parties que le froid glacial qui souffle actuellement sur les relations bilatérales entre la France et l’Algérie perdure, affirme Rachid Nekkaz. Ce dernier se veut toutefois lucide sur la situation et constate que cette crise diplomatique est surtout politique.

"C’est une crise aiguë qui pourrait durer au moins jusqu’à l’élection présidentielle française", prédit-il.

Celui-ci regrette "l’instrumentalisation des mémoires à des fins politiques". Aussi bien de la part d’Emmanuel Macron, qui voudrait séduire électoralement son aile droite, que du pouvoir algérien, qui se servirait de la "défense de l’honneur de l’Algérie" pour regagner une légitimité en grande partie perdue auprès d’un peuple qui le conspue. "Les propos du chef de l’État français ont en effet offert aux autorités l’occasion d’une énième diversion" face aux contestations sociales et politiques en Algérie, confirme Adlene Mohammedi, docteur en géographie politique de l’Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, dans une tribune publiée dans Jeune Afrique.

Instrumentalisation de l’histoire

"Qu’il s’agisse des déclarations d’Emmanuel Macron ou de la décision de Paris, annoncée fin septembre, de diminuer drastiquement le nombre de visas attribués aux Algériens, aux Marocains et aux Tunisiens, la volonté de séduire un certain électorat transparaît", estime le chercheur, avant de poursuivre: "c’est une autre forme de rente".
"Il est important de débattre de tout, mais il ne faut pas laisser aux politiques le soin d’instrumentaliser l’histoire, car les deux parties seront perdantes", insiste Rachid Nekkaz.
Face à ces calculs politiciens, le militant entend "créer des ponts" au-dessus de la Méditerranée. Ainsi l’ancien candidat à la présidence algérienne fait-il sienne une maxime de l’empereur Napoléon: "Un État fait la politique de sa géographie." L’Algérie, voisine par l’eau de la France, aurait ainsi tout intérêt à faire baisser la tension avec Paris, car les deux pays "sont liés" par l’histoire et la géographie.

Vers une escalade violente?

Au-delà de la main qui aurait dû être tendue par l’Algérie, l’homme politique estime également qu’Emmanuel Macron "aurait pu et dû faire un communiqué et expliquer que ce n’est pas la position officielle de la France." En effet, les propos du chef de l’État ont été extraits d’une conversation privée. C’est d’ailleurs ce que l’Algérie reproche à la France: l’absence de démenti des propos du chef de l’État.
"Je crois que les tensions actuelles entre l’Algérie et la France sont passagères. Il faut qu’elles soient passagères", veut-il croire. Autrement, les choses pourraient prendre une autre tournure, craint l’homme politique:
"Il y a cinq millions d’Algériens en France, et ils n’ont pas tous un équilibre émotionnel. Il peut également y avoir des débordements en Algérie auprès des représentations françaises, comme cela s’est passé au Pakistan lors de l’épisode des caricatures du prophète", conclut-il, craintif.
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