Les avocats français et belge de Julian Assange, Marion Lafouge, Antoine Vey et Christophe Marchand, qui se sont entretenus avec lui le 30 septembre dans la prison de Belmarsh au sud-est de Londres, après plusieurs mois sans pouvoir le voir à cause des restrictions sanitaires, ont exposé au Point son opinion sur l’enquête de Yahoo News affirmant que la CIA avait envisagé son enlèvement, voire son assassinat.
Selon eux, les affirmations de Yahoo News ne l’ont pas surpris et il reste convaincu qu’il est l’une des principales victimes du dispositif d’espionnage à l’échelle mondiale que l’Amérique a mis au point après les attentats du 11 septembre 2001.
Le fondateur du site WikiLeaks estime cependant que 20 ans plus tard, le danger a changé de nature et que les lanceurs d’alerte sont devenus les principales cibles des agences de renseignement.
"Pour eux, je suis de la viande fraîche, nous a-t-il dit", détaille pour Le Point Christophe Marchand.
Perspectives d’asile en France
Homme épuisé, mais gardant intacte sa capacité d’analyse et de réflexion, Julian Assange tente de mobiliser l’opinion publique internationale, notamment française, en sa faveur, surtout dans le contexte de la trahison de l’Hexagone par les États-Unis dans l’affaire des sous-marins australiens.
"Il l’a suivie de près, car il a une vision très claire des enjeux géopolitiques actuels. Il se demande pourquoi Paris ne le soutient pas ouvertement alors que les informations qu’il a révélées et que les faits récents prouvent que l’Amérique a bien peu d’égard envers ses alliés", a signalé au Point Christophe Marchand.
"Il est très attaché à la France, un pays où il a vécu, où vit un de ses enfants et dans lequel il a lancé WikiLeaks à l’époque", a détaillé Marion Lafouge. D’après elle, il voudrait profiter de la campagne présidentielle pour alerter les différents candidats à l’Élysée.
En ce qui concerne l’asile d’Assange en France, où un vieil admirateur récemment décédé lui aurait légué une maison, les avocats ne trouvent pas cette perspective illusoire.
"Dans les faits, notre dossier est parfait, tout y est pour obtenir sa libération", avance Christophe Marchand qui compte sur le fait que la justice britannique résistera aux pressions américaines.
"La cour d’appel d’Angleterre, ce n’est pas rien quand même. Le droit finira par prévaloir", résume-t-il au magazine.
Révélations de Yahoo News
La semaine dernière Yahoo News a publié une enquête basée sur les témoignages d’une trentaine de hauts responsables américains d’après laquelle en 2017 des projets d’enlèvement et de meurtre de Julian Assange avaient été élaborés "au plus haut niveau" de l’administration Trump.
L’enquête révèle que l’ire de la CIA, dirigée à l’époque par Mike Pompeo, a été provoquée par les révélations de WikiLeaks sur des outils de piratage extrêmement sensibles connus sous le nom de Vault7. Ces révélations ont été qualifiées de "plus grande perte de données de l'Histoire de la CIA".
Le directeur de l’agence de renseignement cherchait à se venger de WikiLeaks et d’Assange.
Craignant la perspective de l’évacuation de ce dernier par des agents du renseignement russe, considérée comme crédible au plus haut niveau du gouvernement américain, la CIA et la Maison-Blanche ont mis au point plusieurs scénarios. Ils prévoyaient même de tirer sur ces agents dans les rues de Londres, de renverser le véhicule diplomatique russe transportant Assange pour l’enlever, et, le cas échéant, de tirer sur les pneus de l’avion russe avec le lanceur d'alerte à bord afin de l’empêcher de décoller à destination de Moscou.
Un ancien haut responsable américain a témoigné qu’il avait été demandé aux Britanniques de procéder aux tirs en cas de nécessité et qu’ils avaient accepté.
Julian Assange, actuellement incarcéré dans la prison de Belmarsh, est considéré comme un prisonnier à risque de suicide. Début janvier la justice britannique a refusé de l’extrader vers les États-Unis en invoquant son état psychologique.
Outre-Atlantique il est accusé d’avoir publié des documents classifiés et encourt une peine de 175 ans de prison.