L'armée russe au Mali? Comment une photo détournée de 2015 a semé la confusion

Une photo avec des hommes blancs alignés en tenue militaire la tête tournée à droit a été utilisée par une page Facebook pour faussement affirmer que des militaires russes ont débarqué au Mali. Cette image est en fait un cliché pris par un photographe russe en 2015 lors de la répétition d’une parade militaire près de Moscou.
Sputnik
Une photo présentant des soldats russes a circulé sur les réseaux sociaux accompagnée d’une légende voulant qu’il s’agisse de militaires russes au Mali. Plus tard, le service de l’AFP Factuel, qui a vérifié cette information, a confirmé en se référant à son auteur que l’image avait été prise en Russie en 2015, non loin de Moscou, lors d’une répétition d’une parade militaire. La publication relayée par la page Facebook "Mon pays Mali" est désormais marquée par le réseau social comme étant fausse et vérifiée par des fact-checkers indépendants.
Sur la photo, il y a des hommes en tenue militaire russe souriant et les armes à la main. Accompagnée des phrases "Les soldats russes sont bel et bien arrivés à Bamako. Les experts russes sont en cours d'investigation bravo. On ne peut plus cacher encore", la publication a été partagée plus de 600 fois depuis le 19 septembre.

La parade militaire russe de 2015 près de Moscou

La photo en question a été en réalité prise par le photographe russe Vitaliï Kouzmine, qui a été contacté par l’AFP et a confirmé sur Twitter que le cliché "a été pris en avril 2015 au terrain d'entraînement d'Alabino dans la région de Moscou, en Russie, lors de la répétition du défilé marquant la commémoration du Jour de la Victoire à Moscou en 2015".
Ce photographe russe passionné par la photographie militaire possède son propre site, rempli de nombreux clichés de ce genre, y compris la photo en question.

Utilisation multiple

Il ne s’agit pas de la première fois d’ailleurs que cette photo est utilisée par cette page Facebook pour illustrer des articles portant sur des soldats russes, alors qu’elle est toujours accompagnée de phrases affirmant qu’ils sont attendus dans le pays.

Des relations tendues

La photo en question, publiée il y a deux semaines, a fait surface sur fond de tensions qui marquent dernièrement les relations entre le Mali et notamment la France. Cette dernière a exprimé à maintes reprises son mécontentement suite aux intentions manifestées par les actuelles autorités maliennes de conclure un partenariat avec la société militaire privée russe Wagner.
"Si le Mali engage un partenariat avec des mercenaires, le Mali s’isolera, il perdra le soutien de la communauté internationale pourtant très engagée et il abandonnera des pans entiers de sa souveraineté", a argué la ministre française des Armées Florence Parly lors des questions au gouvernement le 29 septembre.
Elle a en outre affirmé qu’elle leur avait détaillé "ce que la France pensait de Wagner et ce qu’elle pensait des mercenaires d’une manière générale".
Pour sa part, s’exprimant sur un éventuel accord, Jean-Yves Le Drian avait aussi auparavant averti que la France pouvait retirer ses troupes si la junte au pouvoir travaillait avec le Groupe Wagner.

Des informations fausses dénoncées

Depuis qu’Emmanuel Macron a fait savoir en juin la fin de l’opération Barkhane au Mali et la réorganisation de la mission, des rumeurs sur un accord éventuel entre la Russie et le Mali appariassent de temps en temps sur la Toile.
Parmi d’autres, CNN et le groupe d’investigation The Sentry ont fait un reportage critique sur "une série d'atrocités de masse contre des civils" qui auraient été commises en République centrafricaine par le Groupe Wagner, une société de sécurité privée que les journalistes ont liée au Kremlin.
Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié le reportage de "salve propagandiste". Il a en outre mis l’accent sur le fait que l’enquête n’avait fourni aucune preuve convaincante de l’implication des Russes dans ces crimes et qu’on propose, comme toujours, aux lecteurs de "croire sur parole" ce qui est montré.
Qui plus est, le chef de la diplomatie russe avait précisé que plus de 500 instructeurs se trouvaient en Centrafrique et qu’une augmentation de leur nombre n’était pas prévue.
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