"Pour sortir des pesticides, ou du moins pour un encadrement un peu plus sérieux, il faut passer par des manifestations et des actions, mais également par des pétitions."
Nicolas Puech est un apiculteur bio basé dans l’Ariège. Pour lui, l’heure est à l’action: "C’est l’ensemble de ces initiatives qui fera pression." À l’image de la pétition "Sauvons les abeilles et les agriculteurs" qu’il a signée et qu’il n’a pas hésité à diffuser dans son entourage. Lancée en 2019 avec le soutien de neuf ONG, cette initiative citoyenne européenne (ICE) a suscité un vif engouement: plus d’un million d’Européens y ont apposé leur paraphe. Ces organisations ont d’ailleurs affirmé dans un communiqué que cela constituait "un succès historique".
Le seuil du million de signataires est crucial. Il oblige la Commission européenne à se prononcer sur la pétition dans un délai de six mois: "Si cette ICE est validée par la Commission européenne, cette dernière et le Parlement européen devront répondre aux demandes des citoyens pour une agriculture sans pesticides de synthèse et respectueuse des abeilles", se sont félicitées les ONG françaises Pollinis et Générations futures.
Aider les agriculteurs dans leur transition
Les instigateurs de cette ICE ont en outre demandé des mesures afin de "restaurer les écosystèmes naturels dans les zones agricoles pour que l’agriculture devienne un moyen de rétablir la biodiversité". Ou encore de "réformer l’agriculture", en favorisant notamment "une augmentation rapide des pratiques agroécologiques et biologiques".
"Il faut trouver des solutions alternatives pour aider les agriculteurs dans cette transition, car ils ne sont pas des chimistes, ils ne font qu’appliquer ce qu’on leur préconise", souligne Nicolas Puech.
Il faut dire que l’heure est grave: entre 1995 et aujourd'hui, le taux de mortalité des industrieux insectes est passé de 5 à 30 %. Pourtant, selon des chiffres publiés par Greenpeace en 2016, les abeilles contribuent à 75 % de la production alimentaire mondiale grâce à la pollinisation naturelle! Une activité qui aurait une valeur économique d’environ 153 milliards d’euros par an, a estimé en 2005, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).
Une initiative citoyenne non contraignante
Alors, pour Nicolas Puech, il est urgent d’agir. En effet, si l’apiculteur bio approuve une réduction progressive de 80% du recours aux pesticides de synthèse dans l'agriculture européenne d’ici à 2035, "il faut aussi revoir le processus d’homologation", prévient-il.
Dans le viseur du producteur de miel: les néonicotinoïdes. Ces puissants neurotoxiques agissent sur le système nerveux de tous les insectes, dont les pollinisateurs, abeilles incluses. Ces insecticides ont d’ailleurs été temporairement réintroduits en France afin de sauver la filière betteravière.
Avec ce genre de revirement, comment être certain que la Commission européenne réponde favorablement aux doléances des protecteurs des ruches? D’autant plus que cette initiative citoyenne n’est pas contraignante. L’apiculteur ariégeois estime que, "aujourd’hui, les États, les citoyens, ainsi que tous les professionnels de l’agriculture, sont conscients de cette problématique". Cette pétition pourrait donc "accélérer les choses", avance Nicolas Puech. Celui-ci lance un cri d’alerte dont la portée nous concerne encore plus directement: "On arrive dorénavant à mesurer l’impact de ces produits sur toute la biodiversité et l’environnement, mais aussi sur l’homme."