"La France a un incroyable talent"… du moins dès lors qu’on parle impôts. La 4e édition des rencontres finances publiques, qui réunissait les 23 septembre à la mairie de Paris des élus locaux et nationaux a tourné au concours Lépine fiscal.
Les maires présents ont plaidé pour de nouvelles ressources pour secourir un "système de finances locales à bout de souffle". La faute à la crise du Covid et au dernier Projet de loi de finances du quinquennat Macron, qui maintient les dotations aux communes à un niveau très bas. Au nom du développement des services publics et de l’autonomie financière des collectivités, la nécessité de trouver un substitut à la taxe d’habitation qui doit disparaître l’an prochain sur les résidences principales a ainsi transcendé les clivages politiques.
Sans surprise, la gauche, qui brandit la "justice sociale", propose la création d’un nouvel impôt national qui "prendrait en compte l’évolution des richesses". Reste à savoir comment cette suggestion de Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe des communistes (PC) au Conseil de Paris, se traduirait concrètement sur la feuille d’impôts des Français. Celui-ci a été missionné par Anne Hidalgo afin de trouver des "pistes de réflexion" pour renflouer les caisses de la capitale. La mairie de Paris aurait, selon l’élu PC, dépensé 1,2 milliard d’euros en un an pour la seule gestion de la crise du Covid.
Fiscalité: haro sur "les plus hauts revenus"
"Je pense qu’il y a des richesses dans notre pays. Quand je regarde sur l’année 2021, on voit que les plus grandes fortunes ont augmenté leur patrimoine de 30%", justifie-t-il au micro d’Acteurs publics. Une manière d’amalgamer tous les ménages imposables avec Bernard Arnault?
"On sait que ce sont les personnes qui ont les plus hauts revenus qui ont l’impact le plus néfaste sur la planète", abonde Audrey Henocque auprès du quotidien. Première adjointe du maire EELV de Lyon, elle plaide pour la création d’"une sorte d’impôt écologique sur la fortune pour les collectivités locales".
Là encore, les dépenses de la mairie lyonnaise pour faire face à l’urgence du Covid sont mises en avant: 45 millions d’euros en 2020. Ce qui reste six fois moins par habitant qu’à Paris. Un montant qu’Audrey Henocque juge "dérisoire" en comparaison à celui qu’engendreront les conséquences du dérèglement climatique pour les collectivités. "Les besoins financiers vont plutôt se chiffrer en milliards dans les années qui viennent", défend-elle.
Mais le centre droit n’est pas non plus en reste d’idées. Le maire UDI de Sceaux était également présent à cette table ronde réunie autour de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Philippe Laurent suggère ainsi la création d’"une taxe d’habitation non pas calculée à partir de la valeur locative du logement, mais du revenu du foyer", relate Capital. Le magazine rappelle l’importante perte de trésorerie (-80%) des communes de plus de 100.000 habitants durant la crise du Covid et la tendance de l’État à rogner sur les dotations globales de fonctionnement (DGF).
Ces dernières n’ont pas diminué sous le quinquennat Macron, mais les maires anticipent une potentielle baisse en cas d’alternance. Chiffrées à 27 milliards d’euros en 2021, ces dotations globales s’élevaient à 41 milliards d’euros au début du quinquennat Hollande. Résultat, les maires n’ont jamais cru à la promesse de Bercy de compenser les maires "à l’euro près" du manque à gagner provoqué par la réforme taxe d’habitation.
Imbroglio politique autour de la taxe d’habitation
La compensation de l’État ne suffit donc pas, même en chargeant la mule sur les résidences secondaires. Leur taxation a triplé en un an dans certaines communes. Le tout au nom de la "lutte contre la crise du logement" et de la nécessité de conserver de biens immobiliers pour les habitants de ces territoires qui peinent à se loger.
Pour autant, la facture devrait finir par être salée pour tous les Français, propriétaires ou non. En effet, la compensation effectuée par l’État se fait via un transfert vers les communes d’une partie des recettes du foncier (la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties ou TFPB) et il est justement prévu que cet impôt augmente lui aussi… et pas qu’un peu à cause d’une autre réforme actée sous le quinquennat Macron: celle des valeurs locatives.
Votée en 2020, celle-ci permettra au fisc de mieux prendre en compte, à partir de 2026, la réalité du marché dans son calcul de la base fiscale de la taxe foncière. Cette dernière ne sera plus calculée sur des valeurs locatives datant des années 70, bien qu’indexées, mais sur les valeurs actuelles du marché. Le différentiel s’annonce particulièrement important pour les logements les plus anciens.
Pour faire passer la pilule, Bercy a même annoncé un lissage de cette hausse sur plusieurs années. On semble loin de l’argument avancé pour justifier la suppression de la taxe d’habitation. "Un gain pour tous les contribuables, une compensation intégrale pour les collectivités", scandait le ministère de Jacqueline Gourault deux jours avant le vote de la mesure à l’Assemblée.
D’ailleurs, les maires entendent également obtenir gain de cause sur le foncier. Nombre de propriétaires en sont exonérés, complètement ou partiellement, comme les bailleurs sociaux ou certains particuliers achetant un logement neuf. Or, l’État est loin de compenser cette perte: 11% seulement en 2018, d’après un rapport du ministère de l’Action et des Comptes publics. La suppression de ces exonérations, prônée dans le récent rapport remis au gouvernement par François Rebsamen, maire socialiste de Dijon, aurait "séduit les participants aux rencontres [finances publiques, ndlr.] par sa simplicité".
En résumé, les Français à qui on avait fait miroiter une baisse de leurs impôts locaux risquent en réalité d’être pris entre deux feux: celui de l’État qui récupère d’une main ce qu’il a donné de l’autre et celui des élus locaux qui y ont vu un prétexte pour trouver de nouvelles sources de recettes.