Génocide des Tutsi: un ex-gendarme rwandais renvoyé aux assises à Paris

Un nouveau procès lié aux massacres des Tutsi au Rwanda en 1994 se profile à Paris: un ex-gendarme rwandais, naturalisé français en 2005, a été renvoyé devant les assises pour "génocide" et "crimes contre l'humanité".
Sputnik
Lundi, deux juges d'instruction du pôle "crimes contre l'humanité" du tribunal judiciaire de Paris ont ordonné un procès à l'encontre de Philippe Hategekimana, naturalisé sous le nom de Philippe Manier, a appris jeudi l'AFP auprès du parquet national antiterroriste (Pnat).
Détenu depuis deux ans et demi, cet homme âgé de 65 ans devra ainsi répondre de "génocide, crimes contre l'humanité et participation à un groupement en vue de la préparation" de ces crimes.
Cet ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare (sud), est ainsi le 8e accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours de ce génocide, qui a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994.
À ce jour, seuls trois d'entre eux ont été condamnés définitivement et le dernier procès remonte à 2018. Deux autres prévenus doivent être jugés bientôt : Claude Muhayimana, un ancien chauffeur d'hôtel franco-rwandais accusé d'avoir transporté des miliciens, doit comparaître du 22 novembre au 17 décembre tandis qu'un ex-préfet, Laurent Bucyibaruta, sera lui jugé à partir de mai 2022. Deux autres hommes, des médecins, attendent l'issue des recours qu'ils ont déposés.
"Nous allons attentivement analyser l'ordonnance de mise en accusation et déposer tous les recours nécessaires", a déclaré à l'AFP Me Emmanuel Altit, qui défend l'ex-gendarme aux côtés de Me Alexis Guedj et Me Fabio Lhote.
Dans ce dossier, Philippe Hategekimana, qui conteste les faits, est soupçonné du meurtre de dizaines de Tutsi, dont celui d'un bourgmestre qui résistait à l'exécution du génocide dans sa commune, et d'avoir "ordonné l'érection de barrières" dans sur les ressorts de plusieurs communes rwandaises, "en encourageant les civils présents à tuer les Tutsi", selon l'ordonnance des juges, dont l'AFP a eu connaissance.
"Selon les témoignages, il donnait des ordres aux gendarmes qui s'exécutaient et participait lui-même aux opérations et aux attaques", écrivent les magistrates.
Cet homme, surnommé "Biguma", aurait ainsi, toujours selon les témoignages, eu un "rôle comme auteur direct dans le massacre des collines de Nyabubare et de Nyamure", où près de 15.000 victimes ont été dénombrées.
Parti du Rwanda après le génocide, il était arrivé en France en 1999, où il avait obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité.
Domicilié dans la région de Rennes, il s'était reconverti comme agent de sécurité et avait été naturalisé français en 2005.
Mais il avait quitté la France pour le Cameroun quelques mois avant son arrestation, faisant craindre aux enquêteurs une "fuite organisée" alors que la presse avait fait état d'une plainte déposée contre lui par le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR).
Interpellé fin mars 2018 à Yaoundé et extradé un an plus tard vers la France, il a été mis en examen le 15 février 2019 et placé en détention provisoire.
"C'est un dossier qui avance très vite, à notre grande satisfaction", s'est félicité Alain Gauthier, co-fondateur du CPCR, dont la plainte avait débouché sur l'ouverture d'une information judiciaire. "Dans la mesure où il est en détention, cela paraît normal que ce dossier soit clôturé assez rapidement".
Longtemps, le sort judiciaire des suspects réfugiés en France a été un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide.
Le ton est désormais à l'apaisement depuis le rapport de la commission d'historiens présidée par Vincent Duclert, qui a conclu en mars dernier à des "responsabilités lourdes et accablantes" de Paris lors des massacres.
Dans le cadre des efforts de normalisation des relations franco-rwandaises, Emmanuel Macron s'est engagé "à ce qu'aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper à la justice".
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